Les idées reçues sur les musiques électroniques ont la vie dure. L’une d’elles serait de penser que la maîtrise des instruments analogiques serait plus noble que celle des logiciels. S8jfou sait que cela est faux, qu’un ordinateur vaut bien un synthétiseur modulaire à condition de savoir l’exploiter pleinement, de s’y plonger à corps perdu.
Sur son nouvel album Op·Echo, le producteur s’est seulement entouré de deux outils digitaux disponibles sur Ableton : le synthétiseur Operator, et le delay Echo. Rien d’autre. Non pas pour se limiter ou s’imposer des contraintes, mais plutôt pour expérimenter, pour montrer que le caractère d’un son ou d’un morceau peut se fabriquer de toute pièce et offrir une musique plus profonde et vectrice d’émotions.
Cette idée, S8jfou l’a eue en composant son précédent album, Cynism. Le titre Analog Things qui en est extrait, est basé sur ce principe. « Mais cette fois, c’est totalement assumé, avoue le musicien. C’est un concept qui demande énormément de temps de recherche. Le moindre son, la moindre fréquence vient de cette recherche précise. En faisant cela, j’ai l’impression de tout maîtriser, d’être comme un scientifique. »
Pour autant, Op·Echo n’a rien d’un album cérébral. Il est taillé dans la chaleur et les variations, guidé par des rythmes effrénés ou lové dans la douceur des nappes. Certes, S8jfou a toujours aimé les machines, au point de fabriquer lui-même ses propres synthétiseurs utilisés dans sa discographie, mais également en live. L’un n’empêche pas l’autre, et cette expérience, cette soif d’expérimentation lui sert aujourd’hui à mener plus loin encore sa quête de précision et de maîtrise de la MAO.
Alors, le producteur se nourrit des influences électroniques anglaises pour composer des rythmes breakés, répétitifs mais sans redondance. Une base savante sur laquelle il ajoute ensuite plusieurs couches harmoniques, dissonantes, distordues, comme un soliste qui s’exprimerait sur des fondations mouvantes. C’est notamment le cas sur le morceau d’ouverture de l’album, Soft, où les beats typiques d’outre-Manche sont détournés, triturés pour laisser ensuite les notes s’exprimer. Sur Influences, S8jfou sait se baser sur une mélodie, sur un thème se déclinant en variations et en atmosphères.
Op·Echo est un album fait de mouvements et de respirations, comme le superbe Character, éloge à la lenteur et à la contemplation, où les percussions sont tues. Au milieu de l’effervescence, l’impact de l’ambient sur la musique de S8jfou se fait également ressentir, nourrie par le style de vie de son auteur qui a composé cet album en Bretagne, isolé. « J’avais l’impression d’être exactement où je devais être. Cela a grandement impacté ma musique. »
Contempler le monde, c’est aussi en voir la violence. Parfois, S8jfou se fait plus dur, plus industriel et radical. Comme sur Phase, peuplé de drums épileptiques et de multiples atmosphères qui se succèdent sans jamais revenir en arrière. Il faut raconter des choses, ne pas se limiter aux structures simples, transmettre.
Symbole de cette démarche et de l’intensité qui hante Op·Echo, le titre Waves est un temps fort d’une tracklist qui ouvre des portes sans les refermer, qui explore et transporte l’auditeur dans un monde sonore unique. Car si S8jfou s’est imposé un concept en limitant les outils à sa disposition, c’est avant tout pour donner forme à des sensations et des idées folles. N’est-ce pas, d’ailleurs, l’essence même de la musique ?
« Influences » est le premier extrait du nouvel album de S8jfou, à paraitre en septembre prochain. Entourée de mystère, cette pièce organique – volontairement mélancolique et voyageuse – appelle à la contemplation et à l’introspection. Ici l’electronica la plus pure et l’IDM fusionnent pour former un titre nostalgique et mélodique, construit autour d’un thème hypnotique qui se déforme tel un songe qui refuserait de disparaître.
Le clip se présente quant à lui comme un jeu de piste, mêlant événements à venir et souvenirs personnels…
« Si l’album a été composé en n’utilisant que deux outils rudimentaires dans Ableton (Operator & Echo), il me tenait à cœur de pousser cette idée en concevant un clip sans sortir de ce même logiciel et en utilisant la composition du morceau comme support brut. Les images du clip sont conçues à partir de peintures et d’objets scanés, ensuite ma musique vient déclencher des déplacements aléatoires à l’intérieur. J’ai inclus ces images dans des softwares factices que j’ai réalisé pour prononcer le contraste entre l’utilisation du logiciel et la matière réelle, et inclure une identité digitale qui occupe une place centrale dans ma musique. » S8jfou