Luke et Eleazar étaient en concert le 7 novembre 2015 à la Niche à Dommarien.
Luke est de retour. Plus de dix ans après leur album « La tête en arrière » qui avait suscité un engouement médiatique mérité et porté par son single ultra efficace « La sentinelle ». Le groupe a fait une assez longue pause, cinq ans, après la sortie de leur dernier album D’autre part. Si l’on ajoute à cela la sortie entre-temps d’un album solo de son chanteur, Thomas Boulard, resté assez confidentiel, et vous obtiendrez un groupe qui repart presque de zéro bien qu’il conserve visiblement une certaine aura auprès des fans. Cette tournée des clubs est donc l’occasion de redécouvrir ce groupe. Une tournée qui fait halte dans le sud de la Haute-Marne, dans une salle gérée par l’association du Chien à plumes. Une opportunité également de prouver qu’après près de quinze ans d’existence, les Bordelais ont encore quelque chose à dire.
La soirée démarre avec une formation locale, Eleazar, originaire du sud du département.
Cela fait près de dix ans que je ne les avais pas vus sur scène. C’était à l’époque de leur premier EP Paranormal dédale. Toutefois, on était un peu sans nouvelles d’eux depuis cette période. Ils reviennent avec un nouveau musicien (un clavier) et un album en préparation qui sortira l’an prochain. Il y a aussi du nouveau musicalement. Leur rock racé qui rappelait par moment Muse des origines, a fait place à une pop minutieuse dont ils donneront un aperçu en jouant cinq morceaux principalement instrumentaux. Oubliés donc les refrains accrocheurs chantés en français qui laissaient présager un bel avenir. C’est, certes, intéressant avec des passages plus punchy ou même jazzy. Cependant, je regrette un peu qu’ils n’aient pas poursuivi dans la voie d’origine.
Après un changement de plateau plutôt long (les stars se font attendre), les cinq musiciens de Luke, une nouvelle fois renouvelés intégralement (à part le chanteur Thomas Boulard bien entendu) arrivent sur la petite scène de la Niche. La salle a fait le plein, c’est une occasion inespérée de voir ce groupe marquant du début des années 2000, dans un cadre presque intime. Une introduction pré-enregistrée couvre l’entrée des Bordelais, ensuite place au son brut et aux paroles crues du Luke nouveau. Quatre titres du dernier album Pornographie sont interprétés à la suite dont l’excellent single « C’est la guerre ». Celui-ci résume bien, tant dans l’impression d’urgence qui ressort de la composition (un peu comme le fait Damien Saez depuis quelques albums), que dans le vocabulaire employé, le nouveau style des chansons du dernier opus.
On revient ensuite sur des chemins plus balisés avec le fameux album « La tête en arrière ».
Si le dernier opus sera joué en intégralité, Luke laisse seulement de la place à ce disque, sorti en 2004, en omettant totalement le reste de sa discographie. Seul un titre comme « Les indignés » peut faire la transition entre ces deux époques : avec les textes poétiques et subtils utilisés lors de la décennie précédente. Le temps n’a pas effacé les souvenirs du public et même les plus jeunes (des ados) reprennent en cœur les paroles.
Thomas Boulard est toujours aussi magnétique et sa gestuelle vindicative donne vie à ses textes. On vérifiera qu’une chanson comme « Hasta siempre » n’a quasiment pas vieilli, c’est d’ailleurs ce moment que choisit un jeune slameur pour se lancer. Malheureusement pour lui sans avoir vérifié au préalable si le public allait l’accueillir. Plus dure sera la chute.
Contrairement aux albums et aux tournées précédentes, il n’y a véritablement qu’un seul titre calme : le pénétrant « Rêver tue » sur lequel Boulard lâche sa Gibson Flying V pour s’accrocher à son micro. Toutefois, tout reprend de plus belle avec le tonitruant « Rock’n’Roll ». Une preuve supplémentaire que le groupe avait toujours autant envie de jouer après une si longue absence.
Cette tournée permet aussi de faire quelques essais (en vue d’une tournée de salle plus importante sans doute). Ils interprètent ainsi un inédit (« Nous, des millions »). Le set principal se conclut par deux chansons traitant du même sujet. Le « Quelque part en France » nouvel hymne anti-FN du groupe, reprend là où on avait laissé « La sentinelle » en 2004. À chaque fois le constat est le même, seuls les mots sont plus durs en 2015 pour relater la situation. Luke ne pratique plus la métaphore.
Boulard revient seul pour le rappel (« Solitaires »).
Il sera rejoint pour une version allongée de « Petite France » et surtout un épique « Discothèque ». Au final, dix-huit titres sont plaqués en une heure trente, comme un défouloir. On regrettera juste que le groupe n’ait pas plus communiqué avec le public. L’essentiel n’est pas là. Ceux que l’on avait comparé à Noir Désir à leurs débuts (même ville d’origine, même style d’écriture) est toujours musicalement intéressant, efficace, aussi bien dans les textes que dans la musique.
Nicolas Fournier