La 41e édition du Lokerse Feesten, le festival flamand dévoilant sur dix jours une affiche prestigieuse, est exceptionnelle dans sa programmation du 7 août 2015.
En effet, les Anglais de LEFTFIELD, précurseurs du Dub Techno, et les Belges de GOOSE, bienfaiteurs de L’Électro Rock du nouveau millénium, rares sur scène cette année, se partagent le haut de l’affiche. Qui dit exceptionnel, dit prédestination Ça C’est Culte !
En arrivant dans la jolie ville de Lokeren, l’esprit est à la fête : foire au manège, brasseries remplies, marché nocturne…
Mais ce qui prime c’est le festival ! Avec son agencement circulaire bien pensé autour de la grosse scène (semblable à celle du Main Square) qui entouré de bars, podium, et terrasse, lui donne des aires de fosse d’arène. Et malgré une capacité à accueillir 15000 personnes, une sensation d’intimité protectrice se fait agréablement ressentir. Il faut dire les organisateurs et le personnel bienveillant ont pensé à tout pour le confort du public, jusqu’au service des boissons à l’intérieur et même au premier rang !
Pour manger il faudra quitter l’enceinte, ou tout autour, le long de la rivière Durme, pleine de charme, de nombreux food trucks proposent un large choix salé, épicé, braisé ou sucré. Le bracelet permet d’aller et venir à sa guise, avec pour seul « désagrément » (humour), passer par un service de sécurité des plus aimables et souriants. Du rarement vécu en festival. La fantaisie est aussi de mise avec les jets de confettis récurrents ou encore les sièges perchés mis à disposition des fêtards ou petits.
Pourtant, il n’y a pas grand-chose à voir avec SUPERDISCOUNT 3 programmé à 20h30, juste trois types partiellement cachés derrière les lettres géantes du mot Discount, gesticulants devant leur console. Mais comme l’a annoncé l’animateur en Flamand, il s’agit des maîtres de la French Touch : Etienne De Crecy en tri homme avec Alex Gopher et Julien Delfaud, venus défendre (en terrain conquis) le volume 3.
Niveau son, le set est effectivement super efficace. En alternant plages House catchy, Techno groovy, Electro Pop acidulé (en tête le dernier single « You » à la Kylie Minogue), plus un zeste d’Electroclash, le cocktail enivre les festivaliers, des pieds aux oreilles. Un sentiment de bien-être chaleureux et « rafraîchissant » à la fois, envahit l’endroit, comme lors d’un bain de soleil iodé en vacances.
LEFTFIELD fait son entrée sur une superbe introduction visuelle et sonore, synchronisée avec l’audience qui s’est massivement concentrée à mesure que la nuit tombe.
Emmené par Neil Barnes à la console et machines, seul à bord du vaisseau depuis le départ de son complice Paul Daley en 2002, Leftfield apparaît néanmoins comme un groupe de scène, par l’accompagnement d’un batteur et d’un clavier. Deux invités vocaux, Mc Ragga, donneront vie sur deux chansons à cet arsenal assez froid.
La basse et le rythme martial sont le moteur même de Leftfield, qui toujours d’actualité en 2015, peut lasser sur la longueur. Les expériences électro afro ethniques du formidable premier album « Leftism » (1995) côtoient le Minimal Techno du dernier opus, qui en comparaison ne possède aucune âme. Le grand moment du concert est quand Neil utilise son vocodeur sur un ton très Kraftwerkien avec « Afika Shox ». Mais le grand regret de leur passage est d’avoir exclu le démentiel single qu’est « Afro Left » en finale. Une erreur qui manquera cruellement à la mémoire pour encenser le show.
Qu’importe, une grande partie des premiers rangs est venue essentiellement voir son groupe phare GOOSE et exprime son soulagement à la fin du concert de Leftfield.
Le parfait quatuor de Kortrijk (Courtrai) ouvre le bal peu avant minuit sur le son strident des accords de guitare de « Lucifer », extrait du dernier album (« Control Control Control » sortie fin 2012, habillera majoritairement la set-liste, NDLR). Le titre évolue sur la puissante trame autoritaire, limite Hard Rock. Le suivant « Real » est plus poignant que jamais et arrache les manifestations physiques (frisson, hochement de tête, saut, bras en l’air).
Le son est tellement diabolique sur la fin du titre, que le public semble déjà sonné comme lors d’un rappel. Le batteur, Bert Libeert, ne ménage pas ses efforts ! Le groupe qui donne là son plus grand concert de la minitournée estivale, est certainement échauffé par les dernières sessions d’enregistrement pour son nouvel album. Le quatrième, dont la sortie est prévue début 2016 annonce notamment la plus grande tournée mondiale jamais entreprise pour nos quatre hommes.
Le groupe profite donc de tester et offrir en plein milieu du set deux nouveaux titres.
Le premier (Scoop pour Ça C’est Culte ! ) « So Long » à l’accent 1980’s néo-romantique, en mid-tempo, flirte avec le suave mélodieux de Depeche Mode et New Order. Il est d’ailleurs parfois frappant de constater sur certaines gestuelles de son chanteur Mickael Karkousse un mimétisme avec Dave Gahan. Mais il n’en fait pas de trop et évoque même plutôt une forme de modestie sérieuse dans la prestation. Le second titre « Thinking about you », plus surprenant, sentimental et grandiloquent, met en avant durant le refrain, le guitariste/clavier Dave Martijn jouant de sa voix trafiquée, mélodie et effet expérimental.
Je pense aussitôt à Muse qui subirait un traitement New Orderesque (toujours) sous sa boucle légèrement disco et funky. Un tube synthé-pop de la nouvelle génération, envoûtant en devenir ! Après dix ans de carrière et trois albums définitivement cultes au plat pays, ces deux titres inédits prennent une nouvelle direction qui les dispose logiquement, progressivement, vers les sommets du grand public international.
Quand on voit Goose sur scène, on ne peut qu’être admiratif de l’énergie déployée pour que sonne visible la performance.
Car sans grand artifice, le show atteint un niveau d’intensité impressionnant. Chaque membre est concentré, inclus dans les backings vocaux entonnés à quatre, donnant un aspect Pop viril de la pure tradition des plus grands groupes de l’histoire du Rock et de la pop. Mickael en plus d’être le frontman joue aussi du synthé ou de la guitare, et programme son séquenceur en temps réel. Tom Coghe pendant ce temps, joue hypnotiquement de la basse ou est posté au clavier tel un « man machine » fun et coquet. Il coordonne ses effets live par des sonorités techno festives, nappe trance, gère les boucles comme seuls les Belges en ont le secret. Pour preuve du 100 % direct, lors de l’introduction de « United », un problème est survenu sur la boucle disco rock, laissant un interlude, un suspense même, de quelques minutes. Le temps de régler la machine, et le titre rebondira puissance 10 comme par enchantement.
Le groupe qui n’est pas avare d’hymnes ou de tubes, enchaîne ses classiques avec succès.
« Control » dans une version longue devient viscérale. « Can’t stop me now » héroïque dans son refrain saccadé par la dimension sonore sophistiquée et jouissive qu’apporte le rythme est mis en lumière, illuminé d’effet stroboscopique et cassure dans le noir. « Black Gloves » et « British Mode » intemporelles par leur riff fédérateur amènent l’audience fédératrice aux « Ooh Ooh » épiques. « Words », le hit du groupe, qui parait plus lent dans sa première partie, sonne New Wave mélancolique, avant que n’explose dans la seconde un électro rock’n’Roll d’anthologie ! Maîtrisé, direct, proche de Nine Inch Nails ou encore du fameux « Papillon » version live des Editors (carton en Belgique), le groupe touche l’apogée.
Le final sur « Synrise » est grandiose avec ses lumières étoilées, sa mélodie épicurienne, sa trame cinématographique à la Midnight Express (NDLR : Giorgio Moroder qui jouait le lendemain a reconnu en Goose le potentiel). Le titre est d’autant sublimé que l’émotion est innée, le public étant en mode amoureux du son, et de l’instant magique. Le groupe quitte la scène sans prétention, de la même façon qu’il est entré, sous l’ovation de ses nombreux admirateurs. Quelle classe ! Quelle pêche ! Quel bonheur ! Tout respire l’ascension chez ce groupe sincère, unique dans sa créativité à insuffler influences du passé de bon goût et modernité évidente. Une légende est en train de s’écrire à deux pas de Lille. Vivement les prochains concerts et le nouvel album, qui feront parler d’eux. Les paris sont lancés !
Le Danois TRENTEMOLLER, lui a clôturé cette belle soirée par une leçon de Mix Electronica pêchue, qui a su préserver une audience dense (comprenez aussi danse) et perdurer le plaisir d’une nuit d’été sans mauvaises ondes.
En conclusion ce festival à l’ambiance festive et bon enfant, est juste idéal pour voir ses artistes préférés dans des conditions optimales. Comme dans un rêve de mélomane, ce festival est royal !. Pensez-y l’année prochaine. lokersefeesten.be
Découvrez les photos de Charlotte Leclercq.
Josse JUILIEN