Du 15 au 18 août se déroulait, dans le magnifique cadre du Park Den Brandt à Anvers, une nouvelle édition du Jazz Middelheim commémorant la cinquantième année de sa fondation.
Chaque année, le jumeau du Gent Jazz Festival étonne par la qualité de sa programmation éclectique, par son accueil et par son organisation sans faille. Je m’y suis rendu le vendredi 16 pour assister aux quatre concerts très attendus sur la « Main Stage » (scène principale) ; le festival en possédant une seconde et plus petite, la « Club Stage« .
Si le festival Jazz Middelheim annonçait de grands noms et têtes d’affiche comme Charles Lloyd, David Murray, Kenny Werner, Joe Lovano, Enrico Rava, Pharoah Sanders ou encore Ambrose Akinmusire, il faut y ajouter dorénavant notre pianiste national Eric Legnini.
Et c’est précisément lui qui entama la journée avec son « Tribute to Les Mc Cann« . Après ses nombreux projets et diverses collaborations où il jouait du Rhodes, c’était donc également un retour à son premier amour : le piano.
À ses côtés, on retrouvait une excellente section rythmique avec Thomas Bramerie à la contrebasse, Antoine Pierre à la batterie et deux merveilleux souffleurs en la présence de Jon Boutellier au sax ténor et Malo Mazurié à la trompette.
Notre pianiste offrit un jazz acoustique et très mélodique au travers de morceaux soutenus, ainsi que de splendides ballades dont « Big City« .
Les souffleurs jouaient simultanément ou se relayaient pour des solos de haute qualité pendant que le pianiste jouait en accompagnement avec la rythmique. Eric Legnini prit principalement ses envolées quand les souffleurs s’écartaient et que le groupe initial était réduit au trio.
Cette prestation fut sans aucun doute, l’une des deux meilleures du jour.
Le concert suivant était celui du pianiste Kenny Werner venu en quartet avec un casting de rêve au Jazz Middelheim 2019.
Il était ainsi entouré de Dave Liebman au soprano et ténor, de Peter Erskine à la batterie et de Johannes Weidenmueller à la contrebasse.
Si les deux derniers cités étaient particulièrement discrets mais très efficaces, on pouvait se demander qui était le leader du groupe.
La présence continuelle et le jeu du saxophoniste prenaient le dessus sur le pianiste qui faisait plutôt figure d’accompagnateur, que de soliste ; même si les compositions, souvent sophistiquées voire complexes, étaient bien les siennes.
Ceci était assez étonnant, car d’ordinaire, sa musique est plus accessible et lui-même est plus expansif dans sa manière de jouer.
Au final, un concert en demi-teinte.
Apparaissait ensuite le saxophoniste ténor et flûtiste Charles Lloyd qui, du haut de ses 81 ans, nous octroya l’autre grand moment de ce vendredi.
À l’occasion de son dernier projet « Kindred Spirits« , son quartet habituel s’étendait à un quintet avec la présence du très bon guitariste Marvin Sewell dont le jeu est d’une rare sobriété, avec un son pur.
Le saxophoniste était également accompagné de ses fidèles compagnons de route : les magnifiques Reuben Rogers à la contrebasse et Eric Harland, véritable extraterrestre de la batterie, et aussi du talentueux pianiste Gerald Clayton.
Le répertoire du saxophoniste fut assez varié, car il débuta par du free, puis il joua du bebop, du jazz contemporain ou de tradition en passant par du blues.
En très grande forme musicalement parlant, et également physiquement, il se permit de rester constamment debout pour jouer et se balader sur la scène afin d’encourager sans cesse ses musiciens.
Il leur manifesta à tous toute son estime en leur donnant beaucoup d’espace pour que chacun puisse s’exprimer individuellement.
Donc, deuxième très bon concert !
Enrico Rava clôtura la soirée en proposant son « Rava Special Edition 80th Birthday « .
Le bugliste présenta un sextet avec notamment le saxophoniste ténor Francesco Bearzatti.
Les deux musiciens ont assuré pratiquement tous les solos à l’exception de celui du guitariste.
À l’inverse du fin guitariste chez Lloyd, je me demandais ce que venait faire cette guitare électrique déjantée chez Rava. Son guitariste ne cessa de jouer avec ses pédales pour étaler à tout moment des effets et distorsions qui massacraient le son acoustique des autres musiciens. On oublia donc bien vite l’habituel jeu raffiné du trompettiste italien. Dommage et cela en a surpris plus d’un…
Cependant, indépendamment des goûts musicaux, les très bons échos des autres journées indiquent que cette nouvelle édition Jazz Middelheim 2019 fut, à nouveau, une réussite tant au niveau organisationnel que qualitatif.
Merci pour l’accueil et le rendez-vous est pris pour l’année prochaine !
© Pierre GÉRARD
Remerciements à Bruno Bollaert et Maarten Mellemans pour leurs photos.