Tourcoing Jazz Festival 2025 : une première journée entre science du son, souffle poétique et énergie pure.
Céline Galant
La première journée du Tourcoing Jazz Festival 2025 a offert un voyage saisissant à travers les multiples visages du son : la curiosité érudite de Laurent de Wilde, la grâce introspective du trio de Macha Gharibian, et la flamboyance magnétique de Keziah Jones. Trois moments, trois mondes, une même célébration du vivant musical.
Laurent de Wilde – Les Fous du son
15h → 16h30 – Auditorium Albert Roussel, Conservatoire de Tourcoing
C’est avec la verve d’un conteur et la précision d’un ingénieur que Laurent de Wilde a ouvert cette édition. Dans sa conférence Les Fous du son, le pianiste et auteur revisite l’histoire de ceux qui, par passion ou par folie, ont cherché à dompter l’électricité pour en faire un instrument.
Edison, Martenot, Moog, Kakehashi… autant de noms que De Wilde relie dans un récit traversant un siècle d’invention sonore. Le musicien, aussi pédagogue qu’amoureux du risque artistique, y interroge la frontière entre la machine et l’émotion, entre le progrès technique et la poésie musicale.
Son propos, ponctué d’anecdotes, d’humour et d’extraits sonores, captive un public attentif, curieux de comprendre comment l’électricité a fini par électriser nos oreilles. Loin d’une simple conférence, c’est une ode à l’audace et à la curiosité, fidèle à l’esprit du jazz.
Macha Gharibian Trio – Le souffle et la voix
17h → 18h30 – Maison Folie Hospice d’Havré
Changement d’atmosphère à la Maison Folie Hospice d’Havré. Dans la lumière tamisée du cloître, Macha Gharibian s’installe au piano, entourée de ses deux complices musiciennes. Dès les premières notes, le temps semble suspendu.
Sa musique est un territoire mouvant, à la croisée du jazz, de la chanson et des racines arméniennes. Chaque morceau respire l’intime, porté par un jeu à la fois précis et libre. Mais ce qui fait la magie de ce trio, c’est la fusion vocale qui s’en dégage : les deux musiciennes, choristes et chanteuses d’une rare justesse, tissent autour du piano une toile de voix lumineuses.
Leurs harmonies répondent aux phrasés du toucher de Macha, prolongent ses silences, soulignent ses élans. Par moments, le trio devient un seul corps, vibrant d’une même émotion — entre mélancolie, feu intérieur et tendresse.
Dans cette acoustique enveloppante, chaque respiration compte, chaque note résonne comme une confidence. Le public, conquis, retient son souffle jusqu’à la dernière vibration du piano.
Keziah Jones – Le feu scénique
20h00 – Théâtre Municipal Raymond Devos, Tourcoing
La soirée se clôt sur un contraste saisissant : l’énergie brute de Keziah Jones, seul avec sa guitare pour les deux premiers morceaux, puis accompagné de ses musiciens. Le Théâtre Municipal de Tourcoing, plein à craquer, devient le réceptacle d’un groove incandescent.
L’artiste nigérian, père du “blufunk” — ce mélange irrésistible de blues, funk et soul —, livre une performance intense, entre virtuosité rythmique et communion avec le public. Dans cette formule acoustique, chaque accord résonne avec la puissance d’un groupe entier : Keziah frappe, caresse, percute sa guitare comme une extension de lui-même.

Ses chansons, anciennes ou nouvelles, oscillent entre énergie solaire et introspection. Et lorsque sa voix s’élève, rauque et libre, c’est tout le théâtre qui vibre à l’unisson.
Le concert, longtemps attendu, agit comme une libération : un final incandescent, où la jubilation collective répond à l’intimité des instants précédents.
Épilogue
En une seule journée, le Tourcoing Jazz Festival 2025 a déployé tout son spectre : l’intelligence du son, la poésie du geste, et la puissance du corps.
De la réflexion de De Wilde à la sensibilité de Gharibian, jusqu’à l’énergie vitale de Jones, cette ouverture a dessiné un fil rouge : celui d’un jazz vivant, libre, et profondément humain.