
Ce soir, en ce 3 novembre 2015, rendez-vous au Nouveau Siècle pour un concert de L’Orchestre National de Lille avec au programme Pierre Boulez et Hector Berlioz !
Dans la première partie du concert, Rituel « in memorian Bruno Maderna » du compositeur français Pierre Boulez qui rend hommage à son ami et musicien italien Bruno Maderna. L’orchestre est ici déstructuré. Plusieurs pôles sont dispersés dans la grande salle de l’ONL réduit à 800 spectateurs. Le chef est au centre de ce grand espace, comme le soleil au milieu de la galaxie, les différents pôles réagissent à sa volonté. Par des gestes de la main, un, deux, trois, il lance les groupes composés de différents instruments.
Au total, ce sont neuf groupes à gérer pour le chef qui reste de dos pour certains d’entre eux. Chacun des groupes est réparti dans la salle. Un groupe de deux musiciens se trouve en haut du gradin central, cloisonnant ainsi l’espace supérieur de l’ONL. Un groupe à chaque entrée, quatre sur la scène centrale et deux dans les galeries supérieures. Comme une boule de musique le son vient de partout. Les petits groupes sont composés d’instruments à vent et de percussions en tous genres, castagnettes, maracas, cloches…
Une sensation étrange se dégage de ce morceau.
Un stress presque oppressant est rendu par l’entourage de la musique. Le spectateur est englouti.
Dans ce Rituel de Pierre Boulez, les musiciens sont plus libres sur les séquences paires alors que les séquences impaires sont dirigées et synchronisées par le chef. Une vision presque mathématique de la musique. Les sections nous touchent immédiatement, sans répit pour le spectateur, avec des répétitions et une harmonie statique. Le jeune chef d’orchestre, Maxime Pascal, donne toute son énergie à cadrer l’espace et les différents groupes de musiciens.
Après un entracte de quinze minutes, l’orchestre revient sur scène. Celui-ci a repris une composition dite « normale ».
Soit une centaine de musiciens sur le plateau de l’ONL. Au programme, la symphonie fantastique de Berlioz pour 55 minutes de musique. Plus d’une dizaine de violonistes commencent leurs partitions et les archets s’élèvent à toute vitesse dans les airs donnant l’illusion d’une envolée. Ici, l’orchestre est géré d’une main de fer par le chef d’orchestre. Le chef n’est plus au centre, mais à la tête de son orchestre, chaque instrument rangé avec les autres de la même famille.
Cette symphonie fantastique (ou Épisode de la vie d’un artiste, symphonie fantastique en cinq parties) serait autobiographique de ce bon Berlioz fou amoureux de l’actrice irlandaise Harriet Smithson. Plus proche du poème symphonique, l’histoire est un peu détournée de la réalité. La femme aimée devient une illusion, une idée fixe dans le rêve d’un jeune homme endormi après avoir fumé trop d’opium (nous sommes au XIXe siècle). Pendant cinq mouvements, le rêve du jeune homme passe par tous les stades, de la passion, aux mouvements de fureur, à la jalousie, à des retours de tendresse et bien sûr, aux larmes.
L’être aimée ne se présente pas au dormeur.
Dans la suite du rêve, le jeune homme rêve qu’il la tue. Il est envoyé à l’échafaud (référence au contexte historique, révolution de 1830 avec la chute de Charles X) où, comble du comble, sa tête roule dans le panier. La suite du voyage nous emmène dans les enfers avec des squelettes et des sorcières pour une danse plus macabre ou les cuivres sortent toutes leurs puissances. La musique nous raconte toute cette histoire parfaitement et le spectateur se sent pris dans un nuage d’opium à la fin du concert.
Le programme a offert deux compositions totalement différentes pour comprendre le rôle du chef d’orchestre. L’une, dans une vision formelle de l’orchestre avec Berlioz et l’autre, une vision contemporaine avec Pierre Boulez. Il ne faut pas oublier au départ que l’orchestre est presque organisé de façon militaire. Le général serait le chef d’orchestre, les adjudants et les autres, serraient les Premiers de chaque instrument. Et ainsi de suite. Ici, les deux manières de fonctionnement de l’orchestre ont ainsi permis de comprendre sa hiérarchie et l’importance du chef d’orchestre qui devient presque un chef d’entreprise avec deux façons de diriger.
Agnès Paccou