15e édition cette année pour le Lille Piano(s) Festival !
Si on note un recentrage sur le répertoire classique au Lille Piano(s) Festival, une touche d’ouverture est à souligner vers les rythmes latino avec du flamenco et une passerelle vers Cuba, pays actuellement à l’honneur dans la ville avec l’exposition artistique en cours à la Gare Saint-Sauveur, où se dérouleront d’ailleurs plusieurs concerts.
Retour sur quelques moments forts de ce week-end
On commence bien entendu par le concert d’ouverture du vendredi, pendant lequel Jean-Claude Casadesus, qui en profitait pour reprendre la direction de l’ONL, accompagnait Marie-Claire Le Guay. Après les salutations d’usage, le directeur artistique du Lille Piano(s) Festival laissera la parole à la pianiste. Très pédagogue, celle-ci est de retour dans la région après avoir été tête d’affiche au Festival Muse et Piano au Louvre-Lens en octobre dernier. Après avoir joué seule une Arabesque de Schumann (déjà au programme à Lens) seule, l’ONL la rejoint sur scène. L’interprétation du concerto pour piano, de Schumann également, est commentée par la jeune femme. Les musiciens décomposaient certains mouvements pour les expliquer au public. Instructif, surtout pour les néophytes. Une mise en perspective fort appréciable.
Quasiment au même moment et devant un autre auditoire, Omri Mor propose un récital solo mêlant des standards de jazz revisités et des morceaux originaux inventifs. Ainsi, on aura droit à des versions très personnelles de « Caravan » de Duke Ellington, ou encore « Someone to watch over me » de Georges Gershwin.
Malgré l’atmosphère orageuse et une soufflerie un peu bruyante, le son sublime du piano et le style simple et élégant d’Omri Mor enchantent le public. Le pianiste parvient à faire découvrir des compositions originales présentant un équilibre parfait entre accessibilité et foisonnement d’informations harmoniques et de textures sonores. Une réussite.
Peu après, la Gare Saint-Sauveur accueillait un habitué de la scène Jazz de la région : Stefan Orins
Dans une ambiance piano-bar, le pianiste servait une musique de qualité ponctuée de basses limpides jouées à la main gauche. Agréable, malgré le fait que sans doute, l’atmosphère bruyante de ce concert n’était pas idéale pour apprécier ce moment à sa juste valeur.
En deuxième partie de soirée, le duo Jatekok, constitué d’Adelaïde Panaget et Naïri Badal, propose un récital appelé « Les Boys », à quatre mains et deux pianos. On est surpris par son atmosphère intimiste malgré la taille conséquente de l’auditorium, renforcée sans doute par un beau jeu de lumières sur les deux artistes et leur piano. Entre deux moments tantôt jazz tantôt suspendus, les pianistes s’attardent sur une sonate de Poulenc. Le premier mouvement, atonal, finit par s’ouvrir sur une esthétique presque cinématographique. Après un « Scaramouche » de Darius Milhaud et un final éblouissant, la soirée se termine par un bis des plus émouvant.
À quatre mains, mais sur un seul piano, le duo joue un « Clair de Lune » de Debussy d’autant plus touchant qu’il requiert, pour sa version à deux pianistes, une coordination que l’on devine de l’ordre de l’intime. Cette configuration à quatre mains permet de plus, l’ajout discret de quelques notes, d’une octave sur la mélodie principale par endroits. L’interprétation touche la perfection tant la vélocité choisie pour l’appui de chaque touche, leur jeu à la milliseconde prêt, servent une subtilité toujours au service d’une intense sensibilité. Magnifique.
Le lendemain, la programmation reprend.
On notera surtout la prestation de l’espagnol José Menor qui joue l’intégrale des compositions pour piano de son compatriote Hector Parra, résident de l’ONL depuis déjà deux ans. Avant la restitution de sa symphonie ambitieuse, Inscape (qui promet d’aborder les mystères de l’univers !), il joue des compositions modernes, certainement clivantes et parfois brutales.
Son jeu se fait alors parfois violent (les partitions en font les frais quand la tourneuse ne suit pas le rythme). C’est éprouvant, sûrement aussi bien pour le musicien que pour l’auditoire pas nécessairement préparé à cela. Cependant, on retrouvera des chemins plus balisés au fil de la performance.
Le reste de la programmation sera plus classique, avec notamment Nikolaï Lugansky, en solo et en duo le lendemain avec un de ses compatriotes. L’orchestre de Picardie aura aussi droit à un double passage (samedi et dimanche) dont le concert de clôture.
Attardons-nous un peu sur la performance en duo de Lugansky, accompagné de Vadim Rudenko
Les deux se connaissent bien (ils ont fini respectivement second et troisième d’un même concours). Après avoir joué la Suite n°2 d’Arensky, compositeur russe que mes voisins semblaient ne pas connaître (ça me rassure moi non plus), ils enchaînent avec des compositions de Ravel et Rachmaninov. C’est à ce moment-là que la magie opérera, ce qui leur vaudra un tonnerre d’applaudissement prolongé. Le public est tellement enthousiaste que le binôme reviendra pour deux rappels successifs. C’est sans doute la performance la plus notable du week-end.
Enfin, mettons à l’honneur le pianiste français Guillaume Coppola pour un récital hommage à l’espagnol Feredico Mompou
Des compositions minimalistes censées mettre en avant le silence et entrecoupées des autres œuvres ayant inspiré le compositeur ibérique (de Satie, Ravel ou Debussy). Dans un cadre dépouillé (le public était invité à s’asseoir sur scène, au plus près du musicien). Une ambiance apaisante s’en dégageait qui, on l’espère, sera retranscrite sur l’album enregistré ce jour-là au cours de cette performance.
À l’heure de tirer un premier bilan du Lille Piano(s) Festival, les organisateurs, Jean-Claude Casadesus en tête, semblent satisfaits. Avec 15 000 spectateurs sur trois jours, le festival a fait le plein. Et ce, malgré la déprogrammation d’une tête d’affiche (Boris Berezovski).
En attendant de connaître la prochaine programmation du Lille Piano(s) Festival, signalons d’ors et déjà que le festival Muse et Piano, dans la même thématique. Le festival se déroulera du 28 au 30 septembre au Louvre-Lens avec Francesco Tristano et Bertrand Chamayou à l’affiche.
Texte et photos : YenchY et Nicolas Fournier