Outre l’exposition qui lui est consacrée à la Gare Saint-Sauveur, la ville de Detroit est encore à l’honneur ce mois-ci, en accueillant cinq soirées consécutives, l’un de ses ambassadeurs les plus doués et créatifs en la personne du Dj Jeff Mills.
Dans le cadre de RENAISSANCE Lille3000, et soutenu par le dispositif Musique Nouvelle en Liberté, l’Auditorium du Nouveau Siècle a la chance de recevoir la création musicale The Planets proposée par Jeff MILLS et l’Orchestre National de Lille, sous la direction de Christophe Mangou, et arrangé par Sylvain Griotto.
Cofondateur du collectif Underground Resistance, ce pionner de la techno minimaliste traine ses platines dans le monde entier depuis plus de 25 ans. Toujours à l’avant-garde et en recherche perpétuelle d’innovation, Jeff MILLS se renouvelle en permanence dans la forme proposée à ses sets, en jouant aussi bien dans des clubs que dans des musées ou centres d’art, quitte à nous bousculer un peu et à nous faire sortie de nos schémas convenus comme avec cette collaboration avec l’ONL pour la réinterprétation électro-symphonique de Planètes Op.32, suite orchestrale écrite par Gustav Holst pendant la Seconde Guerre mondiale.
Jeff Mills n’est pas à son premier essai de partenariat avec des orchestres symphoniques
En 2006, dans le projet orchestral Light from the Outside World, il a joué ses propres compositions, notamment l’incroyable morceau The Bells, accompagné par l’Orchestre National de Montpellier sur le site du Pont du Gard, devant plus de 10000 personnes. Plus récemment, en 2013, l’arrangeur Sylvain Griotto a adapté la pièce de Jeff Mills Where Lights Ends pour l’Orchestre National de Bretagne. Mais pour ce spectacle, le DJ ne joue pas ses compositions, mais réinvente une composition créée il y a 100 ans !
Avant de se frotter les oreilles avec cette création originale, l’ONL ouvre le bal seul, en interprétant de façon dynamique et jazzy, la pièce The Chairman Dances du compositeur américain John Adams. Puis, le magicien Mills entre en scène pour ce voyage électro-symphonique The Planets qui s’articulera autour de dix mouvements, symbolisant dix planètes.
Munis de casques pour écouter et s’harmoniser aux clics des machines de Jef Mills, les musiciens introduisent seuls, le voyage, avant de nous embarquer à la découverte de Mercure-Venus-Terre-Mars-Jupiter-Saturne-Uranus-Neptune-Pluton-2012VP113.
Lors de cette exploration, nous avons eu droit à un Jeff Mills tout en retenue, se mettant au service de l’orchestre, comme un instrument supplémentaire, et reprenant de la force sur des planètes comme Mars offrant une composition très moderne, ou encore pendant un Jupiter très majestueux et cinématographique, digne des musiques de John Barry. Chaque planète a son propre caractère et nous raconte sa propre histoire, notamment la bruyante Saturne qui nous fait tourner dans une joyeuse cacophonie autour de son anneau, symbolisé par les différents musiciens disséminés dans toute la salle.
Cette sensation d’être mis en orbite est renforcée par les magnifiques jeux de lumière jouant sur la scène et le plafond, et par le travail du peintre Mathias Duhamel qui œuvre en direct sur une toile panoramique nous proposant différents paysages des plus sombres aux plus plus lumineux durant cette heure et demie de set.
Après un morceau de rappel en apothéose où chaque corps d’instruments s’exprime avec force, nous rappelant 2001 : l’Odyssée de l’espace, le spectacle prend fin. J’ai la curieuse sensation d’avoir fait un voyage onirique auquel je ne m’attendais pas, plein de nuances et de sensations, où je n’ai peut-être pas compris toute l’histoire, mais où l’important est de l’avoir vécu.
Si vous aussi vous voulez laisser emporter, vous pouvez vous rattraper lors de la dernière séance nordiste mercredi 2 décembre 2015.
Eugénie BUGAIN