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Interview Forever Pavot Forever Pavot-emile-interview

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22 décembre 2015 - par L'équipe

Interview Forever Pavot14 min. de lecture

Le 21 novembre 2015, avant son (sublime) concert dans le cadre du Tour de Chauffe, Forever Pavot (Émile de son prénom) nous a reçu pour une interview 100% Forever. Rencontre avec un musicien passionné de cinéma et lassé d’entendre parler de psychédélisme. J’ai demandé à Émile de nous illustrer son interview. Finalement, son guitariste percussionniste, Arnaud, nous a fait un dessin assez fou ! Propos recueillis par Clémence Garcia.

Clémence : Forever Pavot ? D’où vient ce nom ?

Émile : Forever Pavot est un groupe que j’ai monté avec l’un de mes meilleurs potes de La Rochelle qui s’appelle Mathieu. Je voulais faire toute la musique et le laisser chanter, pour plein de raisons très différentes et ça s’est transformé en mon projet solo, car je préférais tout contrôler. J’avais déjà fait toute la musique et nous étions éloignés tous les deux, je vivais à Paris et lui à La Rochelle, même si c’est ma ville d’origine.

C’est un très bon copain, mais c’est plus un personnage, un grand blagueur. Un mec plutôt drôle qui fait plein de conneries. Une énorme personnalité, qui adore la musique. Cela m’aurait plu, cela ne s’est pas fait, tant pis. Un jour, Mathieu vient chez moi avec une trousse d’écolier sur laquelle il y avait plein de petites indications, au tipex, au feutre, et dont un FLOWER POWER plutôt mal écrit et j’ai cru lire FOREVER PAVOT et ça nous a beaucoup fait rire tous les deux. J’ai décidé de garder son nom là pour le projet. Et tu remarqueras que Flower Power écrit de la main droite en fermant les yeux, ça ressemble beaucoup à Forever Pavot.

forever pavot flower power
Flower power en action

C’était il y a combien de temps ?

C’était il y a cinq ans.

Plutôt Forever Studio ou Forever Live ?

Très sincèrement, je préfère le studio, j’aime composer, j’aime enregistrer, j’aime le matériel, j’aime le studio. J’aime aussi bosser pour d’autres en studio. Au début, j’aimais le live pour le côté « je fais la fête avec mes copains » et bouger. Je suis quelqu’un d’assez timide, ça se soigne avec le temps grâce aux projets d’ailleurs, mais je détestais le live au début. Je n’étais pas terrorisé non plus, mais je n’aimais pas trop la scène, me mettre en avant… Et en fait, au fur et à mesure, j’assume de plus en plus ce truc-là et j’apprécie de plus en plus, maintenant je m’éclate vraiment.

Depuis un an, depuis la sortie de l’album, on a fait une soixantaine de dates ; évidemment certaines sont excellentes et j’en garde des souvenirs supers. Par contre pour une dizaine j’ai de très mauvais souvenirs : on n’avait pas le son que l’on voulait, c’était trop rapide… Au point où j’en suis aujourd’hui, je préfère le studio, mais j’adore les deux. Et surtout, je tourne avec mes meilleurs potes, des mecs avec qui j’ai fait soixante dates, un groupe qui s’entend super bien et ça reste rare.

Tous mes potes qui ont des groupes me font me rendre compte qu’il y a toujours des problèmes d’ego ; par contre dans mon projet, tout est clair depuis le début, c’est moi le chef qui prend les décisions. Du coup, je pense que ça crée moins de problèmes d’ego vu que je choisis et que je tranche. Je pense avoir trouvé les bonnes personnes. On a un peu modifié la liste des morcaux au début, mais finalement, j’ai trouvé des gens avec qui je m’entends humainement, avec qui je partage les mêmes valeurs et musicalement ça marche parfaitement.

Ça me fait penser à Kevin Parker. Est-ce que tu as le rôle de leader dans le groupe en terme de compositions, est-ce que c’est toi qui composes tout de A à Z pour ensuite appeler tes musiciens ou est-ce que c’est composé en groupe ?

Non, je compose tout de A à Z. En tout cas, pour le premier album cela a été comme ça. Pour le second, a priori je composerai tout aussi, mais je ne jouerai pas de tous les instruments. Sur le premier disque, j’ai tout composé, j’ai joué de tous les instruments, j’ai vraiment tout fait de A à Z. J’ai juste été aidé par l’un de mes amis du groupe Aquaserge. Je commence à me poser la question quand même, parce que finalement je ne suis pas un très bon musicien dans chaque instrument même si je touche un peu à tout.

Je me rends compte que mes gars sont meilleurs que moi dans leur propre instrument. Je vais donc garder le contrôle. Je ne sais pas encore exactement comment va se passer le deuxième album, parce que j’ai commencé seul mais plus le temps passe, plus je me dis que je devrais m’entourer, ça pourrait être mieux. En même temps, j’ai l’ego et la fierté de dire que c’est moi qui ai tout fait. De l’ego mal placé finalement oui, mais plus le temps passe plus je me dis que je vais arranger ce côté et que le plus important, c’est de faire de la bonne musique, avoir le rôle de réalisateur, de producteur du disque, c’est-à-dire vraiment tout composer et de savoir quel musicien est nécessaire pour telle chanson.

As-tu mixé et mastérisé ton premier album seul ?

Non, le mix, a été fait par Benjamin Glibert et moi, le mastering a été géré par mon label, Born Bad Records.

Interview Forever Pavot 07corentinfohlen_cover Forever-pavot-cover-BD

D’ailleurs en parlant de Born Bad Records, j’ai lu que l’histoire part d’un vinyle vendant à 50 exemplaires en ligne ?

Yes. JB, le fondateur de Born Bad et moi avons un ami en commun, Damien Lapeyre, c’est un vendeur pour collectionneurs. Son métier est de chercher les pépites, les disques que personne ne connaît et les revendre à des collectionneurs. Moi je suis client chez lui, j’achète des disques et JB aussi. Du coup, on s’y était croisés. Cet ami a écouté mon disque et m’a dit « c’est pas mal, tu devrais le sortir ». J’étais un peu timide avec le projet, mais il m’a répondu « attends, file-moi en 4 ou 5, je vais les mettre sur ma page eBay, on verra si les gens l’achètent ». Et finalement c’est assez bien parti et JB est tombé dessus, était plutôt intéressé, il m’a très vite appelé. C’était il y a quatre ans : « envoie-moi tout ce que tu as, on en discute », il m’a assez vite parlé de contrat, alors qu’il n’avait rien écouté de ce que je faisais vraiment.

Forever stressé à ce moment ?

Non, non, pas tellement, j’ai senti quelque chose de plutôt sain et plutôt kiffant. Il m’a dit : « j’ai envie d’en écouter plus, ça m’intéresse ». J’ai senti un truc, une excitation, une envie qui est assez rare je pense, donc je lui ai envoyé plein de trucs, dont énormément qui n’étaient pas très bien, les débuts où je me cherchais et surtout le projet n’existait pas, je n’avais jamais fait de concert. Je crois qu’il s’en est rendu compte et il s’est dit qu’il valait peut-être mieux attendre que le projet mûrisse et en effet voilà, pendant deux ans j’ai sorti des disques avec d’autres labels encore plus indépendants, des micros labels, genre Frantic City, Sound of Salvation qui est un label anglais qui nous a fait tourner un peu en Angleterre.

On a créé nos réseaux un peu nous même, on a joué en Europe, un peu partout, en France, avec les réseaux du punk et du garage, même si ce que l’on fait n’est pas du tout ça, mais les gens aimant ces styles aiment aussi le côté psychédélique, sixties ou musiques de films que l’on fait et je crois que les gens n’avaient pas l’habitude de voir cette musique en concert. Cela leur a plu et au fur et à mesure, le projet a mûri sur deux ans. Sur deux ans JB et moi, on s’est envoyés des e-mails, je lui ai envoyé mes morceaux, il me disait « ouais, non ce n’est pas encore ça, machin, truc ». Puis à un moment donné il m’a dit « ok c’est super », il nous a vus en concert. Je crois que ce qui est super important pour JB, c’est le côté humain, quand on s’est rencontrés et qu’il a vu comment j’étais, l’état d’esprit et tout ça, il m’a dit « non mais voilà, moi ça me confirme que je veux sortir ton projet, je te trouve intéressant, j’aime bien les musiciens avec qui tu es » et voilà… on a sorti le disque deux mois plus tard.

Forever Born Bad Records pour le second album ?

Oui, oui bien sûr ! C’est marrant, car au début quand j’ai eu toutes les critiques, qui étaient plutôt bonnes, on a signé avec un tourneur, on nous dit que l’on allait faire 50 dates, moi j’étais super excité, je me dis « putain c’est génial », puis après j’ai commencé à me dire : « merde pour l’étranger parce que Born Bad Records, c’est un peu cool pour la France mais l’étranger… ». Au début je me suis posé la question, je me suis demandé quoi faire pour le projet disque, car il y a d’autres labels qui se sont rapprochés de moi, des trucs plus gros et tout. J’ai compris cette année, tenant compte de la relation que j’ai eu avec JB, que tout ce qui s’est passé autour de Forever Pavot, je ne voyais pas ce que je pourrais avoir de plus, ça m’intéresse pas plus que ça d’aller chez Ruquier ou de faire le Grand Journal, je m’en tape en fait. Si ça arrive, tant mieux, mais cette année on a assez tourné pour être intermittent, je fais des disques, j’en sors quand je veux, je ne me mets aucune limite, je fais ce que je veux, c’est super agréable, on a une super relation je ne vois vois pas pourquoi j’irai voir ailleurs.

Au-delà de ça, j’ai envie de faire gagner de l’argent à JB, je crois que c’est un mec qui mériterait, d’avoir plus de thunes, pour faire plus de projets. Aujourd’hui ce qui rapporte de l’argent à la musique, ce sont des synchronisations de publicité, ta chanson qui se retrouve dans une publicité… Born Bad n’en a jamais eu, il le mériterait je pense, même si ça fait un peu racoleur. Enfin en tout cas, ça permettrait de sortir plus de disques et vu l’état d’esprit de JB ça peut être plus que cool.

Forever Aquaserge ?

On s’est rencontrés il y a 7 ou 8 ans, ils étaient le backing band de la chanteuse April March. Après ce concert, ils ont composé un album pour elle qui n’a pas vraiment bien marché même si à mes yeux c’est le meilleur truc qui a été enregistré depuis ces cinq dernières années. Ma copine travaillait aux Trois Baudets, là où ils jouaient ce soir-là et elle m’a proposé de venir passer des disques après le concert. J’ai accepté volontiers, j’ai passé beaucoup de musiques de films, beaucoup de Gainsbourg et ce sont des gros fans de cette époque. Ils sont venus me voir, j’étais ivre, je ne me rappelle plus de tout ce que l’on s’est dit, mais je leur ai donné mon e-mail (sûrement mal écrit) et quelques mois plus tard ils sont revenus à Paris jouer dans un squat en tant qu’Aquaserge.

Cette fois je les ai vus jouer et j’ai pris une claque monumentale, je voulais absolument les rencontrer ; ils étaient neuf sur scène, ils partaient en tournée en Allemagne, il y avait deux nanas enceintes dans le groupe et du coup dans le van, je ne sais pas, je sentais une cohésion dans le groupe, une amitié, un truc que je vois rarement sur scène. Beaucoup d’amour, quelque chose de très sincère. J’ai monté un groupe après ce concert, un peu dans la veine de Forever Pavot mais plus rock prog, plus années 1970 que 1960, et j’ai proposé à Aquaserge de faire un concert ensemble. On l’a fait, j’ai eu vent de leur studio dans le sud, j’ai demandé à y enregistrer mon album, j’y suis allé et j’ai finalement habité chez eux, aujourd’hui ce sont mes meilleurs potes.

Forever synthé ? As-tu une grosse collection ?

J’ai une collection de claviers, pas que des synthés. J’ai des pianos électriques, des clavinettes, c’est une passion, pas qu’une lubie. Ce n’est pas juste pour faire joli mais plutôt par recherche de sons. J’ai commencé le synthé il y a cinq ans, avant j’étais plutôt batteur. Les synthétiseurs m’ont toujours fasciné. Ce que j’aime en général ce sont les vieux instruments, autant l’esthétique que le son. Mon préféré c’est le Wurlitzer 106, il est plutôt rare ; je crois que seulement 500 ont été fabriqués.

Forever cinéma ?

Ma mère est une grande cinéphile, mon frère est comédien, ils m’ont beaucoup mis la-dedans. Je ne me considère pas comme un grand cinéphile, ce que j’aime vraiment c’est la musique. Même si mon boulot à la base c’est plutôt réalisateur que musicien. En fait, les musiques de films que j’aime le plus ne sont pas forcément celles de films que j’ai vus ou aimés. Le cinéma des années 1960 me fascine dans l’esthétisme, dans la musique. Mais tout me fascine dans cette époque, que ce soit le mobilier ou les disques…

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L’autre truc qui m’a amené à cette musique de films ou sixties, c’est un mélange de plein de choses que j’ai vécues dans ma jeunesse mais surtout le hip-hop. J’ai beaucoup samplé ce qui se faisait dans les années 1990 (soul, etc.), et quand j’écoutais des sons hip-hop Mf Doom, Madlib, je faisais la recherche d’où venaient les samples et j’adorais les instrumentations en fait.

Forever Good Morning Bleeding Cities ?

Non, en fait je les ai rencontrés en faisant un clip pour eux. Et le chanteur est maintenant mon guitariste percussionniste, le batteur est mon batteur et le bassiste mon bassiste. Il y avait une méga cohésion de groupe, j’avais envie d’être pote avec eux en les voyant sur scène. À force d’aller boire des coups et d’aller à des concerts ensemble, on a créé des liens et je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas fermés du tout à la musique hardcore mais bien ouverts à toutes sortes de sons. Ça pouvait coller.

Forever psyché ou forever punk ?

Forever musique. Je suis un peu bloqué dans les sixties, mais j’écoute tout de même beaucoup de trucs bien plus récents. En ce moment, j’écoute beaucoup l’album de la belge Claude Lombart. J’ai découvert cette chanteuse en lisant des interviews de Broadcast qui est l’un des groupes dont je suis fou. Tout est chanté en français, c’est sixties, l’arrangement musical est fantastique.

Et aussi Bad Bad Not Good, des Canadiens qui ont fait un album avec Ghostface Killa, du Wu Tang, du hip-hop joué par des vrais musiciens. Aussi des groupes de mes proches, comme Casamance qui va normalement bientôt sortir sur Born Bad, afro psyché un peu krautrock.

Forever young ?

Assez jeune, j’avais un peu le fantasme du batteur dans un garage, je voulais devenir ce mec qui fait de la musique à haut volume chez lui. Le vrai déclic : ça a été le groupe de grunge dans lequel mon cousin jouait de la basse. J’étais fasciné par ses grosses guitares, les cheveux longs, tout ça…

J’ai commencé la batterie à 12 ans, on s’entraînait avec mon frère, on faisait des reprises. Puis j’ai commencé à grattouiller une guitare, il y avait une basse à la maison et le piano me fascinait. Je voulais en faire, et finalement, j’ai appris tout seul comment en jouer.

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