Interview d’Apollo Drama le 29 mars 2022 !
Talons hauts, barbe sculptée et yeux de biche, Apollo Drama est lauréat Tour de Chauffe 2021, dispositif d’accompagnement des artistes nordistes en devenir. Auteur-compositeur multifacettes au parcours atypique, il étudie la scénographie et les arts visuels en se formant parallèlement à la musique, au chant, à la danse et au théâtre.
Son univers électro-pop à la prose percutante et à la musicalité envoûtante pose les bases d’un style qui bouscule les codes du féminin/masculin, avec le souhait de s’adresser le plus largement possible et de rassembler. Ses chansons abordent des thématiques actuelles telles que le désespoir des amours 2.0, la fluidification des genres, le courage de la différence.
Embarquement avec Apollo Drama, artiste résolument singulier et inclassable à la féminine masculinité assumée.
CCC : Bonjour Apollo Drama ! Comment vas-tu pour commencer ?
Apollo Drama : Bonjour, ça va bien et toi ?
CCC : Je vais bien merci, heureuse de te rencontrer et de faire découvrir ton univers aux lecteurs de CCC ! Est-ce que tu peux nous parler de toi pour commencer ? Qui es-tu, d’où viens-tu ?
A.D. : Je m’appelle Apollo Drama, j’ai 30 ans, je suis un chanteur de musique électro-pop, auteur-compositeur-interprète. Je suis originaire de Lille et cela fait officiellement 5 ans que je me suis lancé vraiment dans ce projet.
CCC : Il y a 5 ans, tu t’es dit « c’est ça que je veux faire » ou jeune, il y avait des prémices dans ton éducation avec déjà une imprégnation au niveau de la musique ?
A.D. : Je ne viens pas forcément d’un milieu musical, mes parents ne sont pas du tout en lien avec ce monde-là. Je n’ai pas un contexte qu’on va dire favorable, mais j’ai toujours su que je ferai quelque chose de cet ordre-là. Ça a toujours été en moi. J’ai fait pas mal de théâtre et d’ateliers différents, de danse et c’est vrai que ça a commencé à se décanter à ce moment-là. En fait il fallait que je sois prêt parce qu’il fallait me montrer tel que je voulais me montrer. Il fallait que je sois prêt à me montrer tel que j’étais et c’est pour ça que cela a pris du temps aussi.
CCC : Oui car en fait il y a beaucoup de toi dans ce projet et dans ton dernier EP ?
A.D. : Oui, les gens que je rencontre parlent de personnage, en le fantasmant. Mais pour moi, s’il y a bien un endroit où il faut être libre c’est avant tout artistiquement après bien sûr, idéalement, dans la vie, mais c’est plus compliqué. Enfin, on fait ce qu’on peut. Mais c’est vrai qu’artistiquement, je ne veux rien m’interdire,je veux exprimer ce que j’ai à exprimer et ce que je suis vraiment.
CCC : D’ailleurs tu parles de personnage… D’où vient le nom d’Apollo Drama, est-ce qu’il y a une histoire derrière ce nom ?
A.D. : Je dirai que c’est un mélange d’influences, de choses conscientes et inconscientes. Mais ce qui me guide au fond, c’est la quête de quelque chose qui est de l’ordre du rêve, de la poésie et d’un idéal aussi je pense. Et pour moi il y a cette envie de questionner le masculin, de réinventer cette idée qu’on peut avoir d’un idéal masculin.
CCC : En effet, dans tes chansons, tu questionnes beaucoup le genre, le masculin/féminin, te concernant aussi ?
A.D. : En fait, c’est marrant, ces questions sont venues très naturellement. Par exemple, typiquement au niveau des vêtements, des talons que je porte, ou le fait de chanter aigu. Ça s’est fait naturellement, comme des choix de cœur en fait. Par exemple, pour les habits c’est de savoir quelles tenues j’ai envie de porter, car pour moi, monter sur scène est un moment particulièrement sacré, et donc c’est l’endroit où j’ai envie de me sentir le plus à l’aise et le plus beau possible, comme quand on va dans une belle soirée, c’est vraiment le moment le plus sacré.
Donc avant tout ce sont des choix de cœur, mais après on se rend compte que ça devient des choix politiques. Finalement ce sont les gens qui m’ont fait prendre conscience que je défendais « quelque chose » alors que pour moi c’était juste vouloir m’exprimer tel que j’étais spontanément. Et d’ailleurs si ça fait écho et que ça apporte quelque chose aux gens, je suis super content ! Du coup, oui le genre est forcément présent, malgré moi.
CCC : Ton dernier EP s’appelle « Anti-héros » et est sorti fin 2021. Peux-tu le définir en trois mots ?
A.D. : Si je devais retenir 3 mots, mais c’est hyper difficile pour moi… Je dirais : singulier / singularité. Lyrique, dans le sens à la fois poétique, mais aussi dans le côté passionné. Et authentique, car j’ai besoin de dire les choses telles que je les ressens. Il y a un côté très profond au niveau de l’émotion.
CCC : Concernant tes influences musicales, quelles sont-elles, car quand on écoute tes chansons des noms nous viennent instantanément à l’esprit comme Mylène Farmer par exemple. Est-ce qu’elle fait partie de ton univers musical ?
A.D. : Oui bien sûr ! Mais après j’ai toujours du mal à poser des noms, car j’ai pleins de choses qui m’ont toujours influencé, et je pense qu’il y a des choses qui nous marquent quand on est petit même inconsciemment et qui vont nous suivre toute notre vie. Mais c’est vrai que quand j’étais petit il y a eu plein de noms de la chanson pop comme Mylène Farmer…
Freddie Mercury, c’était une des rares icônes masculines à laquelle j’arrivais à m’identifier. Il a eu beaucoup d’importance. C’est un artiste qui a vraiment un univers global qui transportait et qui surtout sur scène avait quelque chose de généreux. Ça m’a toujours parlé. Et après il y a aussi des choses beaucoup plus globales comme l’opéra, la danse classique, le patinage artistique. Ce sont des domaines qui sont restés ancrés. J’ai cette envie de rassembler surtout avec ce que j’incarne, qui est marginal, et donc pas forcément dans la norme. Je sais que c’est possible et je le vois lors de concerts !
CCC : Justement tu as donné un concert samedi 19 mars au Tri Postal dans le cadre de la soirée Queer Night du Festival Séries Mania, pour lequel tu as reçu un accueil chaleureux de la part du public. Comment est ta relation avec le public, a-t-elle évolué depuis le début de ton projet ?
A.D. : Oui j’ai beaucoup de chance. Je pars du principe qu’un public c’est comme une histoire d’amour, il faut conquérir le public, du coup il faut donner le maximum. Je me sens chanceux qu’il y ait des gens qui viennent m’écouter. Et la scène est super importante pour moi, le premier élan a toujours été la scène quoiqu’il arrive. J’ai besoin de ces moments-là pour me rencontrer vraiment.
Du coup c’est précieux et les choses se font au fur et à mesure et c’est vrai qu’au Tri Postal, il y avait beaucoup de monde, c’était impressionnant. C’était un accomplissement pour moi, il y avait quelque chose de symbolique, car c’était la Queer Night. Et plus j’avance, plus je fais des concerts avec des relations qui se créent avec des gens qui me suivent. Du coup c’est une chance !
CCC : As-tu une anecdote à nous raconter sur tes dernières scènes ? Un pire ou un meilleur souvenir que tu voudrais partager avec CCC ?
A.D. : Justement cette date là, je termine le concert où je dois chanter a capella et c’était un moment assez cocasse, car c’était un peu le bordel, normal car les gens étaient festifs. Du coup je me suis demandé si j’allais chanter cet a capella sachant qu’on n’allait probablement pas m’entendre, car ce n’était pas forcément le lieu pour le faire. Mais bon, je me suis dit « Fais-le quand même quoiqu’il arrive ! ».
C’est en le faisant que je me suis rendu compte que les gens étaient malgré tout présents et avaient une certaine écoute, même si ça gueulait de partout. Ça m’a permis de lâcher et d’être finalement assez serein face à ce gros décalage entre ce que j’envoyais à ce moment-là et l’énergie du public ! Voilà j’ai pensé à ça, j’ai pleins de bons souvenirs, mais pas de chutes ou de pires souvenirs qui me seraient arrivés ! (rires)
CCC : As-tu un rituel avant de monter sur scène ?
A.D. : J’ai besoin de me recentrer, ça c’est sûr. Après la préparation et le maquillage, il y a ce moment pendant lequel il faut que je respire, que « je prie » c’est-à-dire que je me dis des choses importantes pour moi. Oui, il y a ce moment de silence où je suis dans ma bulle.
CCC : As-tu un artiste culte, un artiste que tu aimerais rencontrer et faire un duo ?
A.D. : J’ai du mal à me projeter par rapport à là où j’en suis, car c’est encore que le début. Du coup j’ai du mal à m’imaginer avec un artiste en particulier. Je ne saurais pas donner de nom, mais par contre, il y a quelque chose que j’aimerais bien faire. C’est une chanson vraiment pop, grand public, en duo, et qui mettrait en scène une histoire d’amour entre deux hommes.
CCC : Quelle est ta chanson culte ?… Si tu en as une !
A.D. : Il y a des choses que j’écoute souvent, mais alors attention, ça peut faire un peu homme des cavernes… J’écoute des musiques comme des mantras tibétains. Ça, j’écoute tous les jours car ça me détend ! Et il y a un album que j’écoute quasiment tous les jours qui s’appelle « Dewa Che ».
CCC : Et ta playlist idéale pour le coup, c’est ce genre de musique ?
A.D. : Eh oui car je n’écoute pas de playlist. J’écoute vraiment beaucoup de musique de ce genre pour faire le vide et me détendre !
CCC : Ok ! C’est surprenant !… As-tu des coups de cœur culturels à partager avec les lecteurs de CCC ?
A.D. : Ouiouioui !
À la Condition Publique à Roubaix, il va y avoir deux nouvelles expositions : la première, « Urbain.es » et la seconde qui s’appelle « Des futurs désirables », dont les vernissages vont avoir lieu jeudi 31 mars. Dans le cadre de cette 2e exposition, Julien Pitinome du Labo148 a fait appel à moi pour un mini-documentaire sur les nouvelles masculinités qui sera donc projeté.
Il est venu me filmer lors de concerts, il y a eu aussi une interview donc vous pourrez également me découvrir à cette occasion. C’est grâce à lui que j’ai découvert ces évènements qui auront lieu à Roubaix et que j’ai hâte de voir. Cette dernière exposition met à l’honneur les femmes, le rôle des femmes, l’action des femmes, ou du féminin plus largement, dans l’espace public.
CCC : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
A.D. : De continuer à m’épanouir artistiquement et puis de faire de belles rencontres ! De continuer à me frayer mon chemin, à trouver ma place dans ce monde.
CCC : Merci beaucoup pour ta participation. As-tu un petit message pour les lecteurs de CCC ?
A.D. : Déjà merci, car si vous lisez cette réponse c’est que vous avez lu tout l’article !!! (rires)
Vraiment merci d’avoir lu l’interview jusqu’au bout et j’espère que mon univers vous a intéressé ou vous intéressera ! Au plaisir, sur scène ou ailleurs ! Et portez-vous bien !