
Blue Katrice, figure montante de la scène musicale Hauts-de-France, se prépare à enflammer les scènes du Main Square Festival, l’un des rendez-vous incontournables de l’été.
Avec une voix envoûtante et un style unique mêlant soul, pop et influences électroniques, elle promet de nous offrir une performance inoubliable. Avant son passage tant attendu, nous avons eu la chance de rencontrer Blue Katrice pour discuter de son parcours, de ses inspirations… Plongeons dans l’univers de Blue Katrice !
Propos recueillis par Céline Galant
DÉBUTS ET INFLUENCES
À quel moment as-tu senti que tu devais commencer à composer et comment cette décision a-t-elle changé ta vie ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un lien étroit avoir la création au sens large. Parce que c’est ce qui retenait toute mon attention. Le reste m’ennuyait beaucoup. J’étais mauvaise à l’école, typée cancre. Je n’avais pas trop compris qu’on pouvait en faire un métier, donc j’arpentais les milieux artistiques en pensant que ça rimait avec une marginalisation évidente.
J’ai beaucoup erré jusqu’à ce que le Covid vienne stopper mes plans et que je sois enfermée en fixant cette idée qui tournait en boucle dans ma tête : « Je fais quoi avec tout ce temps ? ». Alors, c’est devenu évident et j’ai choisi que ce fût ça qui allait remplir mes journées. J’ai découvert une motivation incroyable qui ne s’arrêtait pas de croître. Je m’autorisais à rêver et j’étais finalement bonne à quelque chose.
Ton écriture est souvent décrite comme crue et confessionnelle. Qu’est-ce qui t’inspire à être aussi honnête dans tes paroles ?
Dans nos sociétés où il est de plus en plus important de prôner et d’appliquer la nuance, il n’y a pas beaucoup d’espaces disponibles pour nos vérités crues. L’écriture est pour moi un monologue dans lequel personne n’est invité à me nuancer ou à me corriger.
L’Art fait partie d’un de ces espaces où la censure est difficilement acceptable, donc la liberté d’expression y est comme décuplée. Mes textes ne sont pas politiques pour autant, mais c’est vrai qu’il y a des chansons qui abordent des thèmes que je trouve compliqué d’ouvrir en société.
Il y a dans mes chansons des choses que je n’ai jamais dîtes à personne, d’autres sont écrites pour des êtres humains à qui je n’ai pas réussi à parler. Je ne crois pas en un Dieu, donc je n’ai pas droit aux séances de confession pour me purifier l’âme. C’est pour ça que tout part là-dedans.

PREMIER EP « INNER SHELTER » de Blue Katrice
Ton premier EP « Inner Shelter » est sorti en mai. Peux-tu nous en dire plus sur le processus de création et les thèmes abordés dans cet album ?
Ce premier projet s’est étoffé au fur et à mesure de mon évolution. C’est en quelque sorte une trace du chemin parcouru depuis le moment où j’ai décidé d’y croire un peu. J’ai tellement produit, effacé, modifié…
Le processus de création est allumer la cafetière et la boussole intérieure. Ce sont quarante jours de page blanche pour trente secondes de grâce. C’est se faire croire qu’on va au bureau (je ne compose jamais la nuit), alors que l’on ne quitte pas la chambre.
Enfin voilà. Nicolas Lefèvre, qui dirige la Cave Aux Poètes – la SMAC qui m’accompagne dans mon projet – m’avait dit un jour : « Il faut être un peu fou pour faire ça », et je commence à comprendre. Le processus c’est être fou et faire comme si c’était normal.
Dans « INNER SHELTER » (traduit « Refuge Interne »), je parle de santé mentale, de dépendance, de désir d’affranchissement, d’amour… Rien de bien original, mais ça a été un vide-poche du cœur, et je crois que je suis prête à aller plus loin maintenant.
Quelles ont été les plus grandes difficultés que tu as rencontrées lors de la production et de l’enregistrement de cet EP ?
Produire, enregistrer, composer, c’est mon bonheur. Je doute sur tout, tout le temps, et remets tout en question, même les choses les plus absurdes. Mais pas avec la création. Je me branche avec cette boussole interne et je sais si je vais dans la bonne direction, ou pas. C’est comme savoir, de manière absolue. C’est très spirituel, très sensoriel et ça demande une écoute attentive.
Mais c’est fluide et simple. C’est la chose la plus simple que j’ai un jour réussie à faire dans ma vie. Étant artiste indépendante, personne ne vient me mettre la pression ou me diriger. En bref, j’ai ce luxe de pouvoir avancer à mon rythme.
La vraie difficulté c’est la dispersion : quand on avance en indé, on nous demande un million de choses qui n’ont rien à voir avec la création. Mais, je ne vais pas m’étaler au risque de me lancer dans un manifeste à propos des réseaux sociaux.
Depuis octobre 2022, tu as joué sur de nombreuses scènes en France et en Grande-Bretagne. Quel a été ton concert le plus mémorable et pourquoi ?
Je les ai tous en tête, du premier (Crossroads Festival à Roubaix) au dernier en date (Point Ephémère à Paris). Monter sur scène c’est le moment que je préfère, il n’y a rien de tel. Ça n’a pas toujours été le cas : ça me tuait de peur et je voulais partir en courant pour me cacher… Mais petit à petit, tu l’apprivoises et tu laisses passer d’autres choses. J’ai de plus en plus confiance en ce que l’on propose. Et c’est uniquement grâce à ce qui se produit sur scène, là où tout se joue.
Chaque concert a été une petite pierre à l’édifice de ce qu’un musicien vise : se sentir libre en jouant et avoir le luxe de pouvoir mettre le cerveau sur off pendant une heure. Parce que je crois que c’est ça l’idéal : sortir de sa tête pour vivre le truc pleinement.
Comment arrives-tu à combiner les éléments électroniques avec les instruments à cordes sur scène pour créer cette ambiance unique ?
Un instrument, qu’il soit réel ou virtuel possède une vibration unique qui va enrichir un discours. J’aime mélanger les deux. Il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Ce ne sont que des ondes qui bougent, peu importe le support.
Quel impact souhaites-tu avoir sur ton public lorsque tu montes sur scène ?
Je n’ai jamais vraiment pensé à ça. Je crois que ce que je fais est très égotique, dans le sens où je le fais pour moi avant tout. Si en plus de ça, ce qu’on joue résonne chez quelqu’un et qu’un frisson naît, alors j’ai tout gagné.
AVENIR
Quels sont tes projets après la sortie de « Inner Shelter » ? As-tu déjà des idées pour de futurs projets ou collaborations ?
On sort tout juste de résidence à La Cave aux Poètes et au Grand Mix où on a préparé un nouveau live avec mes acolytes Chimot (ingénieur du son), Simon (violoncelliste) et Elio (batteur). On l’a présenté pour la première fois en juin au Point Ephémère à Paris, et on le jouera ce dimanche au Mainsquare Festival d’Arras.
Maintenant qu’ « INNER SHELTER » est sorti et que je peux arrêter de jouer les influenceuses sur Instagram, je retrouve le temps de me remettre au piano et derrière mon ordinateur pour finir des maquettes et retourner au studio. Avoir pris ce temps m’a permis de prendre des décisions esthétiques pour la musique que je produis. J’ai envie de sortir la tête de l’ordinateur, et d’inviter des musiciens que j’ai rencontrés cette année à collaborer, d’ouvrir les portes…
Comment vois-tu l’évolution de ta carrière musicale dans les prochaines années ?
J’espère beaucoup de choses, mais j’ai une croyance personnelle qui est de ne rien en dévoiler pour augmenter les chances qu’elles se réalisent. Un peu comme les voeux après les étoiles filantes, que l’on doit tait pour ne pas les annuler.
PLUS PERSONNEL
En dehors de la musique, quels sont tes autres passions ou centres d’intérêt ?
Lire Damasio, dessiner des visages avec des oiseaux à la place du cerveau, mettre les pieds dans l’eau et regarder les poissons s’en approcher, essayer d’être plus sage, contrôler les tempêtes, rire en ouvrant grand la bouche, boire des grenadines, la science-fiction, conduire pour aller voir la mer, parler d’amour avec ma mère et toujours ne rien y comprendre.
Prendre les gens que j’aime dans les bras et leur dire comme je peux que je les trouve géniaux, réentraîner mon cerveau à regarder le paysage et à songer, apprendre le piano, puis abandonner.
Si tu pouvais collaborer avec n’importe quel artiste, vivant ou décédé, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Là j’ai envie de faire du son avec Saya Gray. J’ai l’impression qur l’on est des âmes sœurs, mais qu’elle ne le sait juste pas encore.
Quel conseil donnerais-tu à de jeunes musiciens qui souhaitent se lancer dans une carrière artistique ?
Si le reste des activités que l’on vous propose vous semble fade et sans grand intérêt, que votre monologue interne pousse violemment les portes pour sortir, et que vous êtes obsédé par ce truc artistique qui vous anime : faites-le !