
La communication via Facebook n’est pas synonyme de futilité pour les mélomanes, en témoigne l’invitation du renommé groupe belge Goose, le jeudi 7 avril 2016, à ses quelques fans ciblés sur la toile, pour venir découvrir leur nouvel album « What Your Need » en avant-première (avant même la presse officielle, une semaine avant la sortie), vigoureusement attendu en Belgique.
Goose qui jouera son nouveau show à l’Ancienne Belgique le 22 avril avait notamment été surpris par l’engouement du public pour ses places vendues en quelques heures, il y a deux mois, alors qu’aucun nouveau titre n’était encore diffusé. À l’issue de cet enthousiasme, le groupe se retrouve dans les têtes d’affiche du festival de Rock Werchter cet été, et une nouvelle date a déjà été planifiée dans la grande salle de Lotto Arena à Anvers le 28 octobre 2016. Mais en attendant la folie des concerts, place au quatrième album enregistré entre Courtrai et Los Angeles.
Aimanté, je me retrouvai donc temporellement en compagnie du fameux quatuor, toujours très complice, et d’une douzaine de fans dans la prestigieuse surface de contrôle aux ITC studios de Bruxelles (qui ont notamment hébergé la production de nombreux albums d’Indochine), élu jusqu’aux oreilles pour une première écoute intime et religieuse du désireux objet que tient le chanteur Mickael Karkousse. Décontracté, il annonça la couleur en précisant que c’est le meilleur endroit au monde pour écouter un disque, mais aussi en plaçant délicatement le vinyle rose sur la platine de luxe. Le charme des petits grésillements du diamant sur les sillons installa d’emblée une ambiance cosy et feutrée sur le titre éponyme qui ouvre somptueusement « What You Need ».
L’introduction romanesque façonnée à la manière du meilleur des Daft Punk (influence French Touch lovers assumée par les protagonistes) et qui monte progressivement sur l’incroyable boucle d’arpège moderne, sert le titre comme un hymne au bien-être et à la vie. Les frissons opèrent ce ressenti positif. Le refrain électro, légèrement funky et ses chœurs fraternels contrastent pourtant avec le précédent opus de 2012 « Control Control Control » qui possédait un traitement dur et martial dans ses sonorités électro-rock, pour comprendre que le groupe s’est assagi et a évolué dans un registre plus tempéré.
Le second « Trip », décemment produit dans un style de synthpop Industrielle, évoquant autant Depeche Mode que Nine Inch Nails, n’échappe pourtant pas à ce qui semble être la règle du cru 2016 : suave, romantique, nostalgique, et mélodique à souhait en vue de plaire à un plus large public. Déjà publiée sur les différentes plateformes d’écoutes, la chanson résonne comme une évidence prépondérante.
L’atmosphère dansante de « So Long » doit autant au disco rock des années 1970 de Blondie Moroder (« Heart Of Glass ») qu’à la New Wave « mainstream » des années 1980 des Simple Minds, tout en se mutant dans une pop moderne, heureuse et enivrante, qui en fera pour sûr un standard radio. « Call Me » le premier single un tantinet minimaliste, dans ses paroles, prend toute sa place dans l’album avec sa jolie mélodie de guitare langoureuse, véritable quintessence sonore. « Holding Hands », pure chanson d’amour influencé par le séjour californien, introduit pour la première fois le piano et un vocal douceâtre qui pourra déconcerter les fans avides de tempo, mais aussi émouvoir la sensibilité des femmes avides de beau « temps ». Le sublime instrumental electronica « Nighfall », cinématographique et mélancolique à la John Barry, émeut par sa trame sentimentale semblant conter une tranche de vie qui nous appartiendrait personnellement.
Développé une nouvelle fois à la Depeche Mode avec sa boucle de musique synthétique sophistiquée, le titre « In The Air » de son refrain sensationnel envoie la sauce inévitable du tube électro-rock, mais aussi renoue avec la pertinence des débuts punchy. « Come Home » (influencé par un séjour à Wissant dans le Nord de la France, dixit Mickael), doit un peu de son riff et sonorité au « Berlin Calling » de Paul Kalbrenner (Aaron), qui agrémentait du groove hypnotique et d’un refrain hospitalier entre dans l’oreille comme le conseil d’un ami bienfaisant. Rassurant et jubilatoire.
« Fall Fall Fall » est la divine chanson pop de l’album, sonnant à la façon de Phoenix avec un karma des années 1970, rêveur et passionné, qui donne juste envie d’entonner le refrain naïvement. « Where Are We Now », tout en ballade vaguement électro lounge au refrain contagieux possède une grâce mélodique et des arrangements sensuels rappelant le Sébastien Tellier de Sexuality, et envoie les Belges sur des reliefs musicaux inédits.
Le très cool « Make It » poursuit le voyage, enveloppé d’envoûtantes percussions orientales qui flirtent avec la musique soul, le R’n’B contemporain, mais aussi développent une dimension spirituelle par un chant très convaincant. « Forever » est la ballade instrumentale ascensionnelle parfaite, émotionnelle, pour conclure l’effort avec la satisfaction du vainqueur courant son dernier 100 mètre. Car le disque est bien une oeuvre ascensionnelle qui ne se gagne pas sans effort, ouverture d’esprit et mode de vie romancée par la musique.

L’expérience de cette première écoute fut conjuguée avec l’énergie positive de ses enchanteurs : Mickael Karkousse, Tom Coghe, Dave Martijn et Bert Libeert, plus vrais que nature. Avec ce virage mi-grand public, mi-expérimental, Goose pourrait dans un premier temps décontenancer les puristes de la scène rock électronique indépendante (comme je le fus moi-même), mais devrait séduire prodigieusement les amoureux de musique recherchée, sans barrière de style (tel mon ressenti avec une semaine de recul). « What You Need » est certainement le disque le plus beau et abouti de la carrière de Goose qui fête par-là même richement ses dix ans. À l’image de sa pochette qui doit autant aux figures de Depeche Mode sur son album culte « Violator » qu’à celles du classique « Let It Be » des Beatles, les Goose ont probablement commis l’album de la consécration pour la génération suivante.

Goose : « What You Need » (Safari Records/Universal Belgique) sorti le 15 avril 2016 en Belgique, et prochainement en France, est disponible sur toutes les plateformes légales de téléchargement.
Josse Juilien