Il est 20h30, ce vendredi soir du 27 novembre 2015. Le public a pris place sur les sièges du Colisée en attendant le début du concert de Dominique A.
Mais lorsque les lumières s’éteignent, c’est Bastien Lallemand qui se présente devant eux. Accompagné de Maéva Gouverneur (qui joue aux côtés d’Albin de la Simone), le jeune homme vient passer une petite demi-heure durant laquelle il interprète six chansons mettant en musique des textes particulièrement lugubres. Les compositions sont très dépouillées et font penser à Bertrand Belin. Lui aussi tente de tempérer la noirceur de ses paroles en blaguant entre les titres. Pas certain pour autant que ça n’en atténue l’impact. Les rimes sont même parfois un peu trop forcées (Un fils de Dieu) ce qui n’arrange rien. Il finira par « L’ombre », chanson qu’il présente lui-même comme la plus gaie de son répertoire. Mais le public est peu réceptif, il attend avec impatience la tête d’affiche. À côté de moi, un couple feuillette d’ailleurs un des ouvrages signés Dominique Ané. Les fans sont là et ils vont être gâtés.
Il faut donc attendre 21:30 pour voir le héros de la soirée retrouver le public du Pas-de-Calais (il était à Béthune en octobre). La salle a fait le plein pour l’accueillir dignement. Il est accompagné de trois musiciens (Boris, Fred et Sacha) qui forment un backing band efficace et qui donneront de l’ampleur aux compositions du natif de Provins. Le décor est dépouillé, seule une structure sphérique diffusant une lumière tamisée située à mi-hauteur est installée. Quand il se saisit de sa guitare et commence à chanter avec sa voix claire et son élocution parfaite la magie opère instantanément. Moi qui connaissais mal sa discographie, je dois admettre que l’interprétation est d’une très grande qualité. Il s’appuie sur des compositions simples et raffinées. Loin d’être uniquement un bon parolier, il est également un compositeur hors pair. En effet, il refuse d’être uniquement qualifié de chanteur à texte car comme il le dit lui-même cela revient à dire « chanson sans musique ». Aussi il va effectivement nous prouver pendant ces 2 heures 15 sur scènes qu’il est bien à la tête d’un groupe solide.
Le quatuor joue dans une pénombre quasi constante. Les histoires servant de bases aux textes sont toujours ancrées dans la réalité. Il expliquera d’ailleurs comme lui est venu l’idée de Central Otago lors d’un voyage en Amérique du Sud où il a rencontré la femme qui deviendra la protagoniste de la chanson. Et on sent toujours une tension, celle d’un rock contenu qui caractérise le style d’un auteur à fleur de peau. On perçoit effectivement toujours un petit riff accrocheur (Revenir au monde) qui reste en tête de manière lancinante durant la durée de la chanson, ou encore des sons métalliques (Pendant que les enfants jouent) qui donnent une couleur à chaque chanson. Ceci confirme que sa musique tient effectivement d’un savant mélange entre rock et chanson française. Des chansons qui s’enchaîneront, toujours d’une qualité égale, preuve du talent de leur auteur. Un auteur d’ailleurs loin d’être statique lors de sa prestation. On le sent qui vit ses chansons. Et un auteur complet (il est également écrivain) et dont l’esthétisme est au centre de son œuvre (c’est le thème de « Rendez-nous la lumière »).
Dominique A se risque parfois à vouloir présenter la chanson qu’il va jouer. Malheureusement pour lui, une partie du public, preuve de sa fidélité, déjà présent à Béthune reconnaît immédiatement de quoi il parle et ne le laisse pas finir. Un public avec lequel le courant passera très bien et qu’il tiendra à remercier simplement de sa présence, surtout depuis les événements du 13 novembre 2015.
Les coups, jusque-là contenus, seront lâchés lors d’une série de trois rappels (!), durant lequel le public restera debout. Ce sera notamment l’occasion d’entendre une excellente version du « Courage des oiseaux » beaucoup plus dynamique que dans sa version studio ou encore un jazzy « Mémoire neuve ». Tout ça avant de lâcher définitivement les coups (Hasta qu’el cuerpo agante). Un virage clairement plus rock pour un final en beauté. Et qui conclut un excellent concert bâti sur une répartition équilibrée des compositions selon les époques (près de 25 ans de carrière tout de même). Même les non-initiés pourront y trouver matière à s’intéresser à un artiste Dominique A véritablement passionnant.
Nicolas Fournier