Nouvelle édition du Chien à Plumes, ce petit festival au bord d’un lac qui me permet de revenir dans mon département d’origine tout en écoutant de la bonne musique.
Contraint bien malgré moi de ne pouvoir y assister l’an passé (Ah, cette programmation : Miossec, Mass Hysteria le même jour, j’en rêvais pourtant !) je n’aurais pas voulu rater le programme prometteur de cette édition. Pas de star internationale comme LP, mais de nombreuses découvertes déjà bien connues du grand public.
Vendredi au Chien à Plumes
Le temps est agréable (il le restera tout le week-end) et la première journée est chargée. Du rap (Belge) ouvre le bal avec L’or du commun. Les collaborateurs réguliers de Roméo Elvis ont propagé leur bonne parole, simple, efficace et sans être trop démonstratif. Les textes sont compréhensibles, touchants même et soutenus par des productions de qualité. On tient même quelques tubes (Apollo et surtout Homosapiens) entrecoupés de quelques hymnes à la gloire de Bruxelles, leur ville d’origine (Nos gênes, 1000). On reste sur la grande scène pour une des têtes d’affiche clairement à la mode si on en juge par le nombre de tee-shirts à leur effigie : Trois Cafés Gourmands !
Accompagné de musiciens, le trio a diffusé ses hymnes entraînants à un public familial. Ça s’amuse beaucoup dans le public, enfants comme adultes d’ailleurs. Je ne cache pas cependant que ce n’est pas trop ma tasse de thé. Leurs tubes Un air de rien et surtout À nos souvenirs (hymne non officiel de la Corrèze) ponctuent un set bien mené.
Place ensuite au rock. Direction la petite scène où on se masse devant la sensation rock juvénile : MNNQNS (prononcez Mannequins si vous n’étiez pas déjà au courant) : un rock direct comme Pogo Car Crash Control, sauf qu’ils préfèrent s’exprimer en anglais. Ils déroulent les titres de leur futur premier album qui semble prometteur. Ils font même une petite virée psyché, le temps pour le public d’organiser une petite ronde. Quelques dates sont d’ores et déjà annoncées pour la rentrée. Ne les ratez pas à Roubaix à la rentrée.
Enfin la tête d’affiche de la soirée : Ska-P. Six ans déjà que je les avais vus (c’était au Chien à Plumes justement). Après s’être fait désirer, ils rentrent sur scène, Pulpul en tête et avec des béquilles. Installé sur un fauteuil roulant tout le set, cela ne le gêne pas pour livrer une prestation totalement punk dont beaucoup devraient s’inspirer. À côté de lui se trouve un guitariste qui saute dans tous les sens, une section cuivre tout aussi déchaînée et un comédien intervenant régulièrement déguisé.
Il apparaîtra en roi (Jaque al Rey), en torero (Vergüenza) et même en Pape, d’abord avec une tête de cochon puis avec un crâne de vautour (Crimen Solicitationis). Comme vous l’aurez compris, tout ceci est très politique. D’ailleurs, deux jeunes femmes seront invitées sur scène pour annoncer une manifestation antinucléaire prochaine. Entrecoupant ses brûlots de « Puta madre », la bande paraît contente d’être là et le public en redemande. C’est tellement bon qu’il fallait bien tirer un feu d’artifice juste après pour conclure cette première journée au sommet !
Le samedi Chien à Plumes 2019
C’est reparti pour une nouvelle journée. J’arrive en milieu d’après-midi juste à temps pour écouter quelques chansons de The Yokel que le public du Nord doit connaître. Leur musique folk est entraînante et démarre agréablement ce samedi.
Place ensuite à une autre révélation du rap belge : Caballero et JeanJass. Comme L’or du commun la veille, ce sont des collaborateurs réguliers de Roméo Elvis auquel ils font parfois référence. Notamment avec cette cabine téléphonique grâce à laquelle le duo entre en conversation (virtuelle) avec le frère d’Angèle. Musicalement, le duo fait plutôt dans le rap gangsta avec une certaine efficacité et d’un savoir-faire indéniable pour ambiancer le public.
Bon, on a dépassé cinq heures, mais on peut quand même déguster un petit Thé Vanille.
Le trio rock tourangeaux alignent quelques bonnes compositions rock pas trop scolaires. C’est vrai qu’ils sont « too cool for school ».
Retour sur la grande scène pour la découverte du week-end : Mattiel. La jeune américaine dont la voix rappelle Janis Joplin ou encore PJ Harvey, offre un rock délicieusement rétro et plaisant. Sans tube évidant, c’est tout de même un grand moment de rock’n’roll aux riffs entêtants (Je ne me connais pas) avec même quelques passages rockabilly (Blisters). Clairement, s’il fallait retenir un nom qui devrait faire parler de lui, celui de Mattiel est une très bonne suggestion.
On fait l’impasse sur Catastrophe et son électro parlé pour se concentrer sur la prestation d’Ibrahim Maalouf accompagné pour la dernière fois de l’été du Haidouti Orkestar. Cette fanfare offre un véritable voyage musical et festif. Ils inviteront même une danseuse ou un chanteur à les rejoindre histoire de couvrir un large panorama musical des pays de l’est et du Moyen-Orient. L’ambiance est conviviale et c’est clairement l’un des passages marquants du week-end.
Dimanche au Chien à Plumes 2019
Dernière ligne droite du week-end avec quelques-unes des têtes d’affiche du festival.
On commence par Grand Corps Malade qui présente son nouvel album, sorti en début d’année et sur lequel il aborde essentiellement sa vie de famille (Définitivement, Pocahontas) tout en se mettant progressivement… au chant. C’est l’une des principales nouveautés apportées par Fabien à son spectacle. Ponctuant ses chansons d’anecdotes sur ses enfants, ainsi que des références au site d’écoute en ligne partenaire de son dernier opus, l’homme paraît fidèle à lui-même, humain, abordant au passage les problèmes d’actualité comme les migrants (Au feu rouge), se focalisant plus sur sa vie privée (histoire d’amour, vie d’artiste) avec un même bonheur.
Je reste à proximité de la grande scène pour enchaîner avec Tiken Jah Fakoly. Toujours aussi engagé, le chanteur ivoirien présente les titres de son nouveau brûlot en abordant les problèmes de l’Afrique actuelle, tout en invitant un public réceptif à découvrir ce continent.
Un petit crochet par la petite scène pour une des claques du week-end : Suzane.
Seule sur scène et lançant ses chansons à l’aide d’un clavier posé près elle, la jeune femme met vraiment le feu au festival. Peut-être encore sous-cotée, elle devrait prochainement prendre une place prépondérante dans l’électro-pop française. Alliant la puissance rythmique entendue chez Miss Kittin à des textes plus profonds qu’il n’y paraît pour ce genre de musique (son SLT vaut largement Balance ton quoi d’Angèle sur la même thématique). N’hésitant pas à venir au bord de la scène au plus près du public pour le motiver à se bouger. À peine une heure passée, une poignée de titres et une forte envie de la revoir vite sur une plus grosse scène.
Enfin, le clou du spectacle est assuré par Thérapie TAXI qui balancent eux aussi leur électro lourde mâtinée de hip-hop et de pop. Évoluant sur les pas de La Femme avec des textes beaucoup plus crus et des thèmes un peu plus légers comme rentrer dans une boîte (Superstar), les soirées (Coma idyllique) ou les relations avec ses ex (Salop(e)). L’inévitable Hit Sale est un parfait résumé du concert où le trio ne s’est pas économisé avec un décor travaillé avec notamment ce double TT surplombant la scène.
Cette édition se termine dans une très bonne ambiance. Quelques déguisements sympathiques, une convivialité évidente entre les festivaliers et un temps agréable, y compris pour se prélasser entre les concerts dans des tipis aménagés confortablement. Signalons aussi la présence d’intervenants plus politiques comme Amnesty International ou les militants antinucléaires intervenus lors du set de Ska-P. Ceci aussi contribue grandement à la réussite du festival Chien à Plumes.
Bonus : les meilleurs titres du week-end
Envie d’un résumé du week-end au Chien à Plumes en quelques chansons voici mon classement :
Homosapiens de L’or du commun : quand le hip-hop se pose pour élargir ses thématiques, ça touche au sublime ;
Desparation Moon de Mnnqns rien que pour son côté psyché et la farandole réalisée par le public complètement en symbiose ;
Cannabis de Ska-P : titre mythique du combo espagnol repris en chœur par le public ;
SLT de Suzane : si #metoo se cherche un hymne, c’est là qu’il faut aller le chercher ;
Crystal Memphis de Thérapie Taxi pour son lot de festivaliers costumés montés sur scène dans un joyeux bordel concluant le week-end.