Le Tourcoing Jazz Festival 2019 : un événement incontournable
Du 12 au 19 octobre se déroulait la 33e édition du Tourcoing Jazz Festival.
Le festival et la programmation, une nouvelle fois de grande qualité et variée, ont débuté par des concerts décentralisés en de nombreux lieux. À partir du 15, ceux-ci étaient exclusivement répartis au centre-ville dans trois beaux endroits : le Théâtre municipal Raymond Devos, le Magic Mirrors (chapiteau) et la Maison Folie Hospice d’Havré (Jazz Club).
Ces endroits continuèrent à accueillir de grands noms, des découvertes, mais aussi de nouveaux talents et concepts ; cela étant le but des programmateurs du Tourcoing Jazz Festival.
Le mercredi 16 octobre, dès 20h00, le théâtre affichait comme à son habitude deux concerts d’affilée, deux grands moments du festival. Le premier fut celui du Lady Quartet de la reine de l’orgue Hammond, Madame Rhoda Scott.
Accompagnée par Julie Saury à la batterie, des saxophonistes Sophie Alour (au ténor) et Lisa Cat-Berro (à l’alto), Rhoda Scott offrira une musique pleine de swing et pleine de groove en interprétant essentiellement les thèmes de leur album » We Free Queens « . Les deux souffleuses ont signé chacune plusieurs compositions entendues.
Elles joueront séparément sur certains thèmes pour mieux se compléter ensuite. Tout comme elles, la grande dame prendra de beaux solos, soutenue par des mains de maître de la batteuse.
Par ailleurs, Rhoda Scott démontra qu’à son jeune âge (81 ans), son énergie, sa dextérité et son humour légendaire n’ont pas pris une ride. À la fin de sa brillante prestation, le Lady Quartet fut particulièrement ovationné.
Il s’en est suivi ensuite, un intéressant et excellent concert du The Amazing Keystone Big Band, accompagné de la talentueuse Célia Kaméni et du magnifique chanteur Hugh Coltman en invité exceptionnel.
Cette grande formation de 17 musiciens est dirigée par le trompettiste David Enhco, le pianiste Fred Nardin, le saxophoniste Jon Boutellier et le tromboniste Bastien Ballaz.
Avec ces deux grandes voix qui se relayaient constamment, le big band rendait un superbe hommage à Ella Fitzgerald mais fit aussi, le temps du seul morceau original » New Orleans drunk party » , un détour par la musique de la Nouvelle-Orléans.
Si bien évidemment de nombreux standards chantés par Ella étaient à l’honneur, il faut en souligner les magnifiques et subtils arrangements qui, indépendamment du collectif, permettaient à des solistes de s’exprimer sur chacun des morceaux.
Grand moment également !
La journée du jeudi 17 débuta par le traditionnel concert gratuit du temps de midi dans le Magic Mirrors.
Cette belle initiative de l’organisation où différents styles étaient proposés rencontra également un vif intérêt auprès d’un public de tout âge.
Ce jour-là se produisait le groupe Be4t Slicer. Il proposa un mélange de sonorités pour une musique, au final, indéfinissable mêlant l’acoustique, l’électrique et l’électronique. Ce style teinté de hip-hop, d’électro ou encore de funk-fusion était accompagné par la voix d’une chanteuse. Concert étonnant et sympathique !
Fin d’après-midi, c’est dans le Jazz Club bondé que l’on retrouvait le Sophie Alour Quintet.
Elle nous présenta son projet inédit » Joy » issu de sa rencontre avec l’excellent joueur d’oud et chanteur égyptien Mohamed Abozekry.
Entouré d’une redoutable et délicate rythmique (piano, contrebasse, batterie), le duo proposa une musique colorée, principalement arabisante, mais aussi mélodieuse au travers de rythmes entraînants ou de thèmes plus posés.
Les spectateurs ont pu apprécier toute la sensibilité et le talent de compositrice de la saxophoniste (au ténor et à l’alto) qui joua également de la flûte.
Ce très beau concert intimiste fut retransmis en direct sur France Musique… Excellent choix de la part de cette radio !
Retour au Théâtre Raymond Devos pour la soirée qui annonçait deux plateaux « chauds » musicalement.
Tout d’abord, The HeadShakers, les très bons régionaux du Tourcoing Jazz Festival, firent une entrée fracassante avec un premier morceau qui, au début, s’apparentait à du métal. Heureusement, l’arrivée des quatre cuivres rassura et fit vite comprendre que nous allions entendre du jazz-rock et du tout bon funk. Les huit membres de cette formation gardèrent ce cap de bout en bout avec pratiquement tous des morceaux originaux.
Les arrangements bien ficelés donnèrent l’occasion à chacun des membres de s’exprimer et la cohésion entre les souffleurs était l’élément rassembleur pour la plupart des thèmes.
Ajoutons à ce très chouette concert un grain de fantaisie et beaucoup de bonne humeur pour dire que cette véritable « machine » trouvait bien sa place en première partie de l’immense tête d’affiche qui suivait.
Celle-ci, très attendue, n’était autre que The Stanley Clarke Band.
Cette légende vivante qu’est cet ovni de la basse électrique est aussi un des précurseurs du jazz-fusion avec notamment Return to Forever.
D’emblée, Stanley Clarke fait un clin d’œil à son regretté complice George Duke avec » Wild Dog « . Sa basse ne sera plus utilisée que pour le rappel, mais il est aussi un génie de la contrebasse.
Cette dernière est d’ailleurs amplifiée avec une sonorité qui lui est propre et unique en son genre. Il jongle avec celle-ci, en joue aussi en slap et la prend parfois pour un instrument de percussion. Son jeu est d’une technique renversante.
Il est également accompagné par des musiciens virtuoses: un violoniste, un claviériste et un tout jeune batteur américains, un pianiste géorgien et un percussionniste afghan qui ne joue que des tablas, mais de manière éblouissante.
Les membres du band étant en totale symbiose enchaînent sans répit les morceaux soutenus et proposent aussi un jazz épuré acoustique avec des échanges divers. On peut entendre des dialogues piano-contrebasse, percussions-batterie, violon-piano, etc.
Stanley Clarke s’amuse à laisser ses comparses se lâcher pour mieux les rassembler et les rejoindre… Du grand art tout simplement et ce concert fut une véritable performance.
Cette 33e édition réservait encore son lot de belles surprises les 18 et 19 où les concerts en soirée affichaient déjà complets.
Elle fut une nouvelle fois une franche réussite avec son importante et très belle affiche diversifiée. Cette programmation, cette organisation sans faille et l’engouement du public font donc de ce Tourcoing Jazz Festival un événement incontournable.
Enfin, il faut mentionner le professionnalisme des techniciens et souligner l’accueil chaleureux des responsables et des bénévoles.
Rendez-vous est pris pour 2020 !
Pierre GERARD
Remerciements à Didier Péron et Anthony Pestel pour les photos du Tourcoing Jazz Festival 2019.