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Pauline Croze Bossa Nova

Chronique

12 mai 2016 - par L'équipe

Pauline Croze, Bossa Nova, 20164 min. de lecture

Quatre ans depuis Le prix d’Eden, son troisième album. Onze ans depuis qu’elle se révéla aux oreilles du grand public avec son premier disque éponyme.

À l’heure où tout accélère, où l’horloge antidate illico le moindre projet branché, Pauline Croze prend le temps de ne pas se presser. Hors des modes, elle joue non pas à contre-courant, juste en suivant sa pulsation intérieure. Des Transmusicales qui la célébrèrent dès 2004 à l’Olympia qui consacra son succès, la native du 93 a très tôt choisi de ne pas enchaîner au risque de se perdre. De suivre son instinct, mi-sauvage, mi-fragile, quitte à surprendre.

Sur son deuxième album, Un bruit court, elle dévoilait déjà une autre facette de sa personnalité, un bon sens du groove. Celle que l’on voulut simplement mettre dans le costume, un peu étriqué, de la chanteuse folk pop, rappelait son goût pour les musiques métisses, pour les rythmiques venues d’Afrique, mais aussi son désir de ne pas se contenter d’une formule calibrée. Pauline Croze et les doux rivages carioca, cela sonne comme une évidence… Sur les plages de Rio, en mode à la coule, la Française adopte le tempo qu’il faut.

C’est ainsi que Pauline Croze fredonne l’éternel Manha de Carnaval, l’un des anthems de cette esthète révolution de velours.

De même, elle fait sien l’éternel refrain d’A Felicidade, un thème qu’elle aime emprunter depuis belle lurette, juste pour elle. Pauline appose son style, ajuste son interprétation à cette chanson phare du répertoire de Tom Jobim, auteur majuscule et référence majeure. Un brin décalé, un sens de l’oblique, sensuel qui colle parfaitement à celle dont la marque de fabrique repose sur un rapport entre l’harmonie et le rythme, conjugué à l’imparfait de son singulier suggestif.

Sa signature : ce sont les cordes subtiles, la voix voilée et la guitare épurée. Des qualités naturelles qui lui permettent, sans forcer, de donner sa vision, originale, de ce sentiment diffus, une tristesse un peu apaisante comme elle sourit. La bossa-nova, une bande-son qui soigne les bleus à l’âme, calmant les esprits, une douce onde qui résonne autrement ici. Pas question de simplement reprendre la virgule près, ceux qui l’ont précédée en la matière.

Elis Regina et Les Eaux de mars, Nougaro et sa reprise du terrible Berimbau.

Les exemples ne manquent pas, mais si elles les connaît bien, Pauline Croze a préféré ne pas s’y référer pour oser le défi de s’y mesurer. La chanteuse emprunte de longue date à la musique latine. Notamment le son cubain, à l’Afrique qu’elle a sillonné lors d’une tournée en 2009. Elle y ajoute ses propres inflexions, comme désormais elle annote les classiques grande classe qui balisent l’histoire de la bossa.

La fille d’Ipanema, en se basant sur l’adaptation de Sacha Distel, autre esthète adepte. Samba Saravah, cette âme bohème magnifiée par Pierre Barouh, Voce Abousou où elle mélange la version française (Fais comme l’oiseau) et l’originale, mais également La Rua Madureira, une mélodie de toute beauté ciselée par Nino Ferrer. Autant d’hymnes à la belle ambiguïté, à la douce amertume de cette samba aux teintes bleu nuit. Quant au Jardin d’hiver, enregistré au crépuscule de sa vie par Henri Salvador, il s’enrichit de discrètes couleurs reggae.

À chaque fois, il s’agit d’honorer l’esprit, sans coller à la lettre près.

Avec les musiciens, ils sont partis pour chaque titre de la guitare acoustique de Bruno Ferreira, des interprétations à partir desquelles Serge Sentis le co-arrangeur posait les bases, qu’il reprenait ensuite seul pour ajuster ce lui semblait aller dans la direction artistique de Pauline. Sons de synthé venant du R’n’B, échos de l’électro, samples de kora et de percussions maliennes. Les arrangements offrent de nouvelles perspectives, un climat électro acoustique, propice à souligner l’élégance de la bossa-nova.

Totalement raccord, l’immense Brésilien Vinicius Cantuaria vient d’ailleurs donner la réplique le temps d’un titre. Un zest de pop métissée, tout à fait adapté au sujet. Exemplaire de cette démarche, le pas chaloupé qu’elle adopte au moment de suivre Essa Moça Tá Diferente de Chico Buarque, qu’elle pimente de quelques pointes électros. Pauline Croze invite la native de Rio, Flavia Coelho, pour un duo au diapason. Il ne fait aucun doute que cette collaboration résume l’état d’esprit de ce recueil. Un remède plus qu’un intermède, inclinant les chemins buissonniers. Un nécessaire pas de côté incitant à prendre la pause dans la folle course du monde…

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