
Ce Fonetiq Flowers nous rafraîchit soudainement la mémoire, car le groupe Lo’Jo donne l’impression d’éclore à nouveau.
Fonetiq Flowers. On achète parfois sans le lire le dernier livre d’un auteur installé qui avait pourtant durablement secoué notre adolescence. Et, on oublie que les gens évoluent, changent, progressent, se rebiffent, vivent. On oublie que l’existence n’est souvent qu’une succession de renaissances. On écoute parfois d’une oreille distraite un ami de toujours, croyant deviner à l’avance ses paroles à venir.
Après d’une quinzaine d’albums enregistrés depuis le début des années 1980, des centaines de concerts sur tous les continents, des collaborations prestigieuses (Tinariwen, Robert Plant, Robert Wyatt, Archie Shepp…) ainsi qu’une aura que plus grand monde ne songerait pas à contester, le groupe angevin Lo’Jo réécrit l’histoire. Ou presque. On retrouve bien entendu ici ou là les grands marqueurs de l’esthétique de l’orchestre emmené par Denis Péan. Un souffle inédit traverse bel et bien ces treize titres enregistrés aux quatre coins du monde (Austin, Lafayette, Séoul, Tbilissi, Cotonou, Bamako et Paris).
Paradoxalement, c’est pourtant probablement le disque de Lo’Jo le moins ethnique, malgré la présence d’un kayagum coréen, d’un panduri géorgien, d’un daf iranien, d’un rik ou d’un oud. Certainement le plus électro-acoustique de leur discographie.
Peut-être parce que le groupe a invité le touche-à-tout Albin de la Simone à venir ajouter des couleurs avec ses claviers hétéroclites ? Ou peut-être parce que Lo’Jo y a simplement osé de nouvelles envies qui le taraudaient depuis longtemps ? Qui aurait par exemple imaginé un jour entendre un duo avec le rappeur du groupe suisse Puts Marie (Noisy Flower) ?
Avec leur précédent disque Cinéma el mundo, le groupe avait donné l’impression de boucler un cycle en sortant un disque très Lo’Jo, comme eux savent le faire.
Fonetiq Flowers est donc le premier jour du reste de leur vie. Avec tous ses possibles. Tous ses pourquoi pas.
Dansons donc sur une valse brinquebalante rythmée par un chœur d’enfants (Chabalaï), retrouvons nos amours de jeunesse avec Fonetiq. Retenons notre souffle sur le magistral J’allais. Hurlons à pleins poumons I will give you a wish avec les sœurs Nid El Mourid (Tu Neiges). Explorons les tréfonds de nos âmes en nous accrochant à la trompette d’Erik Truffaz (Stranjer than stranjer). Éteignons la lumière sur le bouleversant instrumental final, Figurine, que n’aurait sans doute pas renié Fred Frith ou Brian Eno.
À l’image de Tom Waits ou de Nick Cave, Lo’Jo refuse la course contre le temps qui passe. Lo’Jo décide d’emprunter des chemins de traverse, lui permettant apparemment, de passer d’une vie à l’autre, sans jamais flétrir.