
La Péniche a une invitée de marque ce soir pour le festival Ground Zero et le fait remarquer sur la grande enseigne éblouissante, dont les neuf lettres inscrites claquent comme à l’Olympia. Normal pour une déesse de scène d’avoir son « Néon Light », car la Suédoise Karin Park, par sa beauté atypique, a tout de l’image des femmes du clip « The Model » de Kraftwerk. Un clin d’œil fantaisiste que je m’accorde au passage, mais qui pour le connaisseur n’aurait rien d’anodin.
Il est à peu près 20h50 quand les lumières s’éteignent et que David Park s’installe à la batterie, suivi de sa grande sœur derrière le micro, longiligne en short et avec des chaussures compensées qui lui font quasiment toucher le plafond. Sans être complet, au vu des visages heureux, le public lui est entier dans sa présence dévouée à l’artiste féminine. Le très rétrofuturiste et sophistiqué « Restless » ouvre le show sur un son qui décoiffe d’emblée l’audimat. Les machines subtilement réglées et la batterie parfaitement menée n’en sont pas la seule cause. La péniche possède un son incroyable, peut-être le meilleur de toute la métropole, toute taille de salle confondue. Ajouté à cela une chanteuse qui chante encore mieux que sur disque, et vous obtenez un live transcendant, que le public ovationne dès la fin de la première chanson. Faut dire aussi que Karin et son frère sont absolument captivants dans leur maitrise et complicité sur scène.
Karin possède une aisance scénique saisissante, alternant entre la guitare synthétiseur, le Korg vintage, percussions, ou gestes chamaniques sensuels, que ses jambes sexy en font l’unique Wonder Woman de l’électropop. La liste des morceaux s’étend essentiellement sur le dernier et meilleur album à ce jour « Highwire Poetry » (sorti en 2012) rassasiant le public avide de tubes underground.
Des moments plus sombres démontrent le potentiel de puissant batteur qu’est David, notamment sur « Fryngies » sonnant déjà apocalyptique avec ses sonorités industrielles, comme pourrait l’être l’album Apocalypse Pop à venir en mars 2015. « Shine » qui en est d’ailleurs le premier extrait, est juste divin dans son groove mélancolique et sexy à la fois. La communion entre les frangins et nous n’a rien de fantasmagorique, tous 2 s’essayant avec humour au français pour nous remercier de l’accueil chaleureux. Le céleste « Out Of Cage » extrait de l’album Ashes To Gold (sorti en 2009) résonne de tout son pouvoir mélodique tandis que ses boucles pêchues titillent les sens. « Can’t Stop Now » à l’instar de La Roux amène lui une note plus fraiche et plus folle, la version étant nettement plus rythmée sur scène qu’en studio.
C’est surréaliste et impressionnant de voir Karin de si près (à un mètre) avoir de si grands gestes. Une chanson inédite, sous-nappes de synthé déchirant le cœur, sera dédiée à ses moments de solitude en tournée, quand son amoureux lui manque. Ce qui faisait sourire la gent masculine lors de cette déclaration, se transformera en silence religieux pendant la prestation, tant le titre est beau. Le classique électro métronomique« Thousand Loaded Guns » arrive à point pour mettre tout le monde en transe dans une version finale d’anthologie, toutes percussions physiques exploitées façon Nitzer Ebb (groupe phare du mouvement EBM) sur le rythme des machines. Énorme et exemplaire savoir-faire du live avant les deux rappels, dont un n’était pas prévu. Même pas cent personnes dans l’antre de la péniche et les applaudissements, cris, résonnent comme 1000 dans une cathédrale. « Look What You’ve Done » le formidable nouveau single prend une dimension plus riche dans le chant et trame poignante qui balance façon Depeche Mode à sa meilleure époque. La danse s’impose et le respect aussi. Karin Park est fantastique et son frère lui est phénoménal à la batterie.
Une dernière chanson douce et nostalgique clôturera le show comme pour enchanter définitivement le ressenti. Le Merci est réciproque entre les performeurs et auditeurs.
Découvrez également l’entretien exclusif par Josse Juilien.
Josse Juilien
Un petit coup d’œil de la soirée : une vidéo réalisée par David Wave. Merci à lui !