Emma Daumas ? Vivante.
Le titre de son nouvel album exprime très droitement ce qu’elle est : une artiste, une humaine, une jeune qui vit plus intensément que jamais l’amour, l’écoute, la tendresse, la création. Vivante parce qu’elle a été morte – comme on dit dans le métier. Plus de contrat discographique, plus de promesses, plus d’actualité. Mais c’est c’est à ce moment-là qu’elle s’est sentie le mieux vivre. C’est à ce moment-là que sont nées ses chansons dans lesquelles elle parle à la première personne de rêves d’enfant et de vertiges de femme, de la vie telle qu’elle va et de l’homme tel qu’il reste.
C’est affaire de lâcher-prise, d’instants dans lesquels l’ancien gibier de presse people écrit élégamment sa renaissance en artiste Emma a écrit toutes les chansons de Vivante. Or, écrire n’était pas ce qu’on lui demandait jusqu’alors. Toutefois elle sait depuis longtemps que c’est son horizon, et la plus ancienne de ses urgences. Celle qu’elle a toujours sacrifiée. Après tout, elle est enfant du bal et du karaoké, comme elle le dit elle-même. Pendant la première partie de son parcours, devenir auteure-compositrice fait partie de ses idéaux d’avenir mais ne correspond pas nécessairement aux possibilités du moment.
Tout ce temps, quand elle écrit des chansons, c’est toujours une concession arrachée à la maison de disques. Un compromis avec la pente habituelle des variétés. Lorsqu’Universal se retire, plusieurs aventures la libèrent, lui confirment qu’elle n’est pas seulement la jolie enveloppe d’un récit people. Elle écrit un livre-disque pour enfants, Les larmes de crocodiles, enregistré avec Marcel Amont, Alain Chamfort, Gérard Darmon, Élodie Frégé, Caroline Loeb. Elle travaille avec Nicolas Gruppo sur une performance cabaret, présentée dans des institutions d’art contemporain, Freaks on the Rock. Elle participe à Sister Ship, film et installation de Maxime Rossi, présentés au Palais Tokyo, à propos de Soeur Corita Kent, pour lequel elle s’improvise une bande originale avec notamment Check Tidiane Seck et Jac Berrocal. Un univers qui s’élargit, qui l’oblige « à éclater ses codes, ses projections, ses méthodes ».
Elle part aussi se ressourcer régulièrement au Brésil. Des semaines, des mois, certaines années, pendant lesquelles elle se nourrir de la culture, de l’énergie, des paysages de l’état de Bahia. Elle y apprivoise la « saudade ». Cette singulière nostalgie heureuse, ce blues souriant, cette tristesse ravie. Un bel aliment spirituel pour qui a connu la solitude de la célébrité et les souffrances de la gloire. Mais, alors, Emma s’avoue surtout que, si elle se sent auteure, elle ne l’est pas encore. Elle a besoin d’un guide. Ce sera, comme dans un conte asiatique, un aîné glorieux, perspicace et bienveillant.
En 2011, elle fait appel à Maxime Le Forestier qui, un peu comme elle, a connu pendant quelques années le téléphone qui en sonne plus et la gloire qui déserte. Pendant des mois, elle se rend chez lui avec ses textes de chansons. Il commente, il suggère, il émonde, il explique. Il transmet un credo simple : dans la chanson, aucun mot abstrait, aucune phrase opaque. Emma reprend, polit, mûrit ses chansons, les fait se révéler à plus de vérité intime comme à plus d’universalité. Quand le processus est terminé, elle est une auteure plus libre – la marque de l’enseignement des vrais maîtres.
En même temps que ses chansons, Emma Daumas écrit Supernova (aux éditions Scrineo). Un roman racontant de l’intérieur le fonctionnement de la télé-réalité musicale. Une supernova est l’explosion d’une étoile, le moment où sa destruction donne la plus éclatante lumière de son existence.
Maxime Le Forestier lui a offert des conseils de lisibilité et de confiance. Il lui prête aussi ses musiciens et Emma commence avec eux à tester ses chansons toutes neuves en studio. Puis, elle part en tournée en trio avec le bassiste Étienne Roumanet et le guitariste Pierre Sangra. Ces deux compagnons de petites scènes intenses sont aussi présents dans l’album, produit par Benjamin Constant, qui a notamment été pianiste de Julien Clerc et a réalisé les albums d’Asa ou Ibeyi.
Il complète le programme de studio avec le batteur Raphaël Chassin et le guitariste Roman Chelminski. Esprit concert et douceurs boisées, lenteurs ouatées trouées de leurs chaudes… Cet album vient après une belle patience. Et l’Emma Daumas qu’il révèle, sait se dévoiler dans ses mots des joies, des mélancolies, des paix qui sont désormais les siennes et qu’elle sait bien faire nôtres. Le sortilège est radieux : elle nous revient Vivante et cela fait comme une douce lumière dans nos vies.
Emma Daumas, Vivante sortie nationale le 27 mai 2016. Enregistré et réalisé par Benjamin Constant, mixé par Seb Viguier au Studio Le Chantier. Masterisé par Bruno Gruel au Studio French Audio Village. Abacaba 2016 /Distribué par Musicast.
Bertrand Dicale