
Par Olivier Bas
Barcella
« Cordes sensibles, mélancolies souriantes »

« Mais vivre sans tendresse on ne le pourrait pas… » chantait Bourvil.
Bonne nouvelle « Mariposa » le nouvel album de Barcella arrive dans
nos vies ce printemps et va à coups de cordes, de mots soufflés et de
visions poétiques nous montrer le chemin du tendre.
Rêveur né, néo promeneur solitaire, depuis ses débuts Barcella a fait
des mots son terrain de jeux, où il fait bon jouir. Débuts qu’il convient
d’aller chercher dès l’enfance avec un attrait instinctif vers la langue
française transmis par sa mère professeure de lettres et metteuse en
scène, dont il reprit le nom de jeune fille au moment de partir en
musique conquérir le cœur des hommes et des femmes. À ce moment-
là, s’il n’échappe pas à une trilogie évidente Brel, Barbara, Brassens le
jeune Mathieu, tandis qu’il écoute Nirvana et NTM, cite volontiers
Bobby Lapointe et… Bourvil. Il remportera les championnats de
France de slam quelques années plus tard « un peu par hasard, pour
s’amuser de la musicalité des mots ».
En 2012, « Ma douce » le fit connaître des curieux sensibles, mais on
n’entre pas chez Barcella par hasard et on y reste pour le plaisir de
continuer l’aventure intérieure que son vocabulaire et ses mélodies
immédiates procurent. Au mitan d’une mélancolie souriante et d’une
joie interrogative, Barcella avec ce 5ème album, démarre un nouveau
cycle de saisons. On croit l’avoir cerné et il nous étonne toujours et
encore avec… ses mots que l’on connaît tous mais qui n’appartiennent
qu’à lui : enclume, peau d’émeraude, larmes bavardes … Et même
quand il chante un « Je t’aime » multiple et en ricochets sur
« Bienvenue » morceau qui accueille un enfant dans la famille, c’est
comme si on entendait « Je t’aime » pour la première fois dans une
chanson. Il y a aussi des fins dans « Mariposa » avec le bouleversant
adieu à un père sur « De l’autre côté ». Du pur Barcella sans cesse en
éveil avec son répertoire qui évolue.
Cet album de printemps se nourrit de vies faites de peines inattendues
« De l’autre côté » et de joies solides et sensuelles « Grain de
beauté ». Lui sans tomber dans une autobiographie trop facile, reste
l’observateur poétique du monde qui nous accueille. C’est son rôle, sa
mission de nous montrer que le beau ne nous a pas abandonnés.
Barcella va chercher ce regard en hauteur, dans les montagnes ou dans
le silence là où les mystères ne sont plus des secrets. Marcher près des
glaciers, écouter les Cévennes chanter, voilà de quel bois est fait
« Mariposa ».
« Mariposa » avant d’être ce tendre album est le nom de famille de
Marie l’héroïne de son premier roman « Les papillons » paru aux
éditions du Cherche midi, joli succès de l’année 2021. « Attention
Mariposa n’est pas pour autant la bande originale du livre, même si
certains mots, certaines idées sont nées au moment de son écriture ! ».
Mariposa signifie papillon en espagnol, l’italien Barcella né à Reims
retombe tel un chat (un comble pour lui qui s’émeut de l’amour et de
la fidélité des chiens) sur ses pattes et explore ainsi les frontières
géographiques de l’imaginaire. Ce roman lui a redonné une certaine
virginité, de la rigueur dans l’écriture des chansons et lui a permis de «
prendre le temps de tricoter, de détricoter ses émotions, d’apprivoiser
le rythme de l’écriture différemment, révélant ainsi la beauté de la
langue dans sa longueur ». C’est certainement ce travail littéraire qui
donne une nouvelle saveur à ses chansons, une modernité qui n’oublie
pas les fondamentaux.
S’il s’enivre de mots, c’est la musique chez lui qui naît en premier et
lui offre des tableaux qu’il colorie ensuite d’images que sa voix vient
nous souffler dans l’oreille en toute complicité avec sa sensibilité
visible et sa pudeur aux non-dits nécessaires et aux limites
indispensables. « J’ai le sentiment d’avoir pour la première fois trouvé
ma voix », comme un re-début donc. De la chanson grande qui sait
s’« enrythmer » de sons du moment et qui ne tombe jamais dans la
facilité.
L’air des montagnes se retrouve-t-il dans « Mariposa » ? En tous cas,
ses airs portent ses papillons jusqu’au fond de nos ventres avec ses
compositions aériennes qui ne sont pas sans évoquer les premiers
albums de Radiohead à la fois si purs et si tendus. De l’air il y en a sur
cet album avec la présence de trombones, trompettes mais c’est
surtout le retour des cordes dans le monde de Barcella qui est à noter.
Cordes sensibles bien sûr qui habillent et réchauffent la mélancolie
présente. Le tout, sans tourbillon, nous emporte dans ses saynètes où
l’espoir (« Ton étoile ») rivalise avec la tristesse – passagère ? – (« Les
fausses promesses »). « Je m’applique à aimer les tristesses qui nous
traversent » affirme-t-il en un sourire. Ce vrai faux solitaire, cet
adepte de l’ennui créatif, n’est jamais absent du monde et partout en
véritable sentinelle de notre quotidien se nourrit d’air du temps pour
ne jamais oublier que la chanson est un reflet de l’époque.
Conteur qui compte au compteur, 5 albums donc, 1 livre – mais pas le
dernier, un spectacle poétique et interactif pour enfants
« Tournepouce », et comme l’amour ne compte pas son temps, il crée
avec les équipes d’Ulysse maison d’artistes (son producteur de
spectacle), le Charabia festival de Reims, sa ville de cœur. « Pour les
amoureux des mots et les oreilles curieuses » tel est le slogan de ce
rendez-vous (du nom de son second album) qui fêtera cette année sa
6ème édition et qui a déjà accueilli, Alain Souchon et fils, Disiz, Olivia
Ruiz, Vanessa Paradis ou Pierre de Maere.
Barcella quand il n’écrit pas pour lui, toujours avec son désir de
tripaturer l’alphabet, sans boulimie mais en bon ami, prête sa plume
que ce soit à Zaz, Claudio Capéo, mais aussi à l’un des plus grand
succès des Fréro Delavega « Le chant des sirènes ». Une façon
jouissive de jongler avec d’autres inspirations et de partager ses rimes.
Cet hommemot bien dans sa quarantaine qui incarne une délicatesse du
monde présent et qui « écrit des chansons pour qu’elles restent », en
douceur et profondeur s’inscrit dans une variété poétique propre à
toucher en plein cœur ceux qui s’y frottent lors de ses concerts.
Lui qui en a plus de 1000 dans les yeux, transformera chaque soir la
chenille en papillon à travers les routes, de salles en festivals pour
porter haut et fort le murmure de ces mots avec son album le plus
intime à ce jour. Et la tendresse bordel ?